Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/215

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je lui confirmai ce chiffre de quinze mille roubles.

— C’est très habile, fit-il quand j’eus fini. Je ne l’en aurais pas cru capable !

— Cependant c’est un fait qu’il a refusé l’argent. Comment expliquer cela ? Serait-ce vraiment par noblesse de sentiments ?

— Il en a refusé quinze mille pour en avoir trente plus tard. D’ailleurs, je doute que Foma agisse d’après un véritable calcul, ajouta-t-il après un moment de méditation. Ce n’est pas du tout un homme pratique. C’est un espèce de poète… Quinze mille… Hum ! Voyez-vous, il aurait pris cet argent s’il avait pu résister à la tentation de poser, de faire des embarras. Ce n’est qu’un pleurnicheur doué d’un amour-propre phénoménal.

Il s’échauffait. On le sentait ennuyé et même jaloux. Je l’examinai curieusement. Il ajouta, pensif :

— Hum ! Il faut s’attendre à de grands changements. En ce moment Yégor Ilitch nourrit un tel culte pour ce Foma qu’il pourrait bien en arriver à se marier par pure complaisance ! — ajouta-t-il entre ses dents.

— Alors, vous croyez à la possibilité de ce mariage insensé et criminel avec cette idiote !

Mizintchikov me regarda fixement.