Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/392

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accusant une extrême fatigue et assurant que de tout ce temps, il n’avait rien vu, rien entendu. Faut-il donc prétendre que cet homme eût la passion de poser jusqu’à supporter des heures entières de volontaire martyre, dans le but unique de pouvoir dire ensuite : « Voyez donc si mes sentiments sont plus nobles que les vôtres ? »

Il advint un jour qu’ayant maudit mon oncle « pour les offenses dont il l’abreuvait à toute heure et ses manques de respect », Foma se transporta chez M. Bakhtchéiev, qui, depuis le mariage, s’était maintes fois querellé avec Foma, mais n’avait jamais manqué de lui demander pardon. Cette fois, Stépane Alexiévitch s’était employé avec une ardeur extraordinaire. Il avait reçu Foma avec le plus grand enthousiasme, l’avait gavé de victuailles, et s’était engagé à dire son fait à mon oncle et même à déposer une plainte contre lui, car il existait entre leurs deux propriétés une parcelle de terrain contestable et dont ils n’avaient jamais discuté, mon oncle en laissant la jouissance à Stépane Alexiévitch sans la moindre protestation.

Négligeant de l’aviser, M. Bakhtchéiev faisait atteler, gagnait la ville au galop, y formulait une demande de jugement lui attribuant formellement