Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/41

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Grichka était un vieux laquais à cheveux blancs, porteur d’une longue redingote et d’énormes favoris de neige. Tout indiquait que lui aussi était en colère et il ne cessait de marmonner. La menace du maître fut le signal d’une prise de bec.

— Tu me feras fouetter ! Crie-le donc plus haut ! fit Grichka d’une voix si nette que tout le monde l’entendit, et, indigné, il se mit en devoir d’arranger quelque chose dans la voiture.

— Quoi ? Qu’est-ce que tu viens de dire ? « Crie-le donc plus fort ! »... Tu veux faire l’insolent ? clama le gros homme devenu écarlate.

— Mais qu’avez-vous donc à vous fâcher ainsi ? On ne peut donc plus dire un mot ?

— Me fâcher ? L’entendez-vous ? Mais c’est lui qui se fâche et je n’ose plus rien dire !

— Qu’avez-vous à grogner ?

— Ce que j’ai ? Il me semble que je suis parti sans dîner.

— Qu’est-ce que ça peut me faire ? Vous n’aviez qu’à dîner ! Je disais seulement un mot aux maréchaux-ferrants.

— Oui ; eh bien qu’as-tu à ronchonner contre les maréchaux-ferrants ?

— Ce n’est pas contre eux que je ronchonne ; c’est contre la voiture.