Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

coupable, mais je voulais agir en honnête homme et… et… tu l’épouseras ! Tu l’épouseras, si tu as l’âme quelque peu noble ! — ajouta-t-il en rougissant sous l’influence d’une violente émotion et en me serrant les mains. — Mais assez là-dessus ! Pas un mot de plus ! Tu en sauras bientôt trop par toi-même. Il ne dépend que de toi… Le principal est que tu réussisses à produire une bonne impression là-bas, à plaire !

— Voyons, mon oncle, qui avez-vous là-bas ? Je vous avoue que j’ai si peu fréquenté le monde que…

— Que tu as un peu peur ? acheva-t-il en souriant. Ne crains rien ; il n’y a là que la famille. Et surtout, du courage ! n’aie pas peur, car, sans cela, je tremblerais pour toi. Tu veux savoir qui est chez nous ?… D’abord, ma mère. Te la rappelles-tu ? Une bonne vieille, sans prétention, on peut le dire. Elle est un peu vieux jeu, mais ça vaut mieux. Par moments, elle a ses petites fantaisies, et vous en veut pour telle ou telle chose. Elle est fâchée contre moi pour l’instant, mais c’est de ma faute ; je le sais. C’est une grande dame, une générale… Son mari était un homme charmant, un général, très instruit. Il ne lui a rien laissé, mais il était criblé de blessures ; en un mot, il avait su se faire apprécier.