Page:Dostoïevski - Humiliés et offensés.djvu/286

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rentrer bientôt et d’aller faire une promenade avec elle. En attendant, je la laissai seule.

Je ne saurais exprimer la violence du coup qui m’attendait à mon retour : la clef était dans la serrure, mais à l’extérieur ; j’ouvre la porte, j’entre : la chambre était vide. Un frisson parcourut mes membres. J’aperçus sur ma table une feuille de papier, j’y courus et je lus ces quelques mots écrits au crayon, d’une écriture grosse et irrégulière :

« Je suis partie de chez vous, et je ne reviendrai plus jamais. Mais je vous aime beaucoup.

« Votre sincère

« NELLY. »

Je poussai un cri et me précipitai dans l’escalier.



IV

Au moment où j’arrivais dans la rue et avant que j’eusse eu le temps d’examiner ce que j’avais à faire, je vis un fiacre s’arrêter devant la porte cochère. Alexandra Séménovna en descendit avec ma petite fugitive, qu’elle tenait par la main, bien fort, comme si elle avait eu peur qu’elle ne s’échappât. Je m’élançai à leur rencontre.

— Nelly, que t’arrive-t-il ? m’écriai-je, pourquoi t’es-tu enfuie ?

— Attendez donc, nous avons le temps ; montons d’abord, et vous saurez tout, dit vivement Alexandra Séménovna.

— Couche-toi un peu, Nelly, dit-elle à la petite quand nous fûmes dans la chambre ; va, tu es fatiguée : ce n’est pas une plaisanterie que de faire une telle course, et encore après une pareille maladie ! couche-toi, ma colombe, couche-toi un peu. Nous nous en irons pour que tu puisses t’endormir, ajouta-t-elle en clignant des yeux et me faisant signe d’aller à la cuisine.