Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/292

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— Je lui donne tout ! s’écria Jean, avec un emportement qui fit sourire Jacques Bailly.

— Ce n’est pas la peine, mon Jean ! Il y a un moyen bien plus simple. Et comme Jean se taisait, anxieux :

— Tu ne trouves pas ce moyen-là ? C’est étonnant ! … Eh bien, moi, je vais te le dire : c’est de devenir le mari de Lisette.

— Oh ! monsieur !… Mon père !

— Dame ! je me rappelle ce que tu m’as dit aux Indes… Aurais-tu changé d’avis ?

— Oh ! non !

Le brave petit sergent n’en put dire davantage, tant il était heureux.

— Seulement, poursuivit Jacques Bailly, sans avoir l’air de remarquer l’émotion de Tapin, je tiens à savoir si tu veux quitter le service ou bien…

— Quitter le service !… Jamais de la vie !

— Bon ! me voilà renseigné. Dans ces conditions, tu ne peux cumuler les fonctions de négociant et de soldat… Ça n’a aucun rapport.

— Sans doute !

— En attendant ton retour, j’ai — à tout hasard et dans ton intérêt — organisé la maison sur un nouveau pied. Je l’ai transformée en maison de gros et j’ai, grâce à tes capitaux et aussi à l’aide des miens, traité des marchés importants. Je fournis à l’armée des riz d’Italie, des cafés… Il faut donc que tu cèdes cette maison à quelqu’un.

— Mais vous la garderez, mon père ! Je vous la donne !

— Pas à moi ; à Lisette, à… ta femme !

— Lisette… ma femme !

— Oui, ta femme. Allons ! c’est entendu !

Et Jacques Bailly embrassa tendrement son futur gendre.

Lorsqu’ils rentrèrent rue de la Huchette, Lison, assise auprès de Catherine, prenait sa leçon de clavecin avec le maître de chapelle de Saint-Germain-l’Auxerrois ; elle se leva souriante.

— Ma chérie, lui dit son père, je vais, sans préambule, t’apprendre une nouvelle qui va te causer, je le sais, une grosse joie.

Lise devint toute pâle, et Catherine sourit doucement.

Alors, prenant les mains des deux jeunes gens :