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À TRAVERS LES SIÈCLES

des mendiants obséquieux, s’ils se sentent les plus faibles, et restent sans foi ni parole toujours. Un proverbe soudanais dit : « La parole d’un Touareg est comme l’eau qui tombe dans les sables : on ne la retrouve Jamais. » Il y a parmi eux des nobles, des serfs et des esclaves, mais de noblesse point. Si l’on voulait en trouver quelque trait autre que la vanité, l’infatuation et l’orgueil, il le faudrait chercher parmi leurs esclaves nègres. Ni le vieillard, ni la femme, ne leur inspirent respect ou pitié dans leurs razzias. Sanguinaires et cruels, ils n’ont même pas cette bravoure sans limites qui éclaire la sombre silhouette du condottiere. C’est la nuit surtout que leur vient le courage, pendant le sommeil de leurs adversaires ou victimes. La ruse est leur principale arme de combat, encore qu’ils ne marchent jamais sans une lance au poing, une épée au côté et un poignard attaché au bras gauche. Aussi les populations soudanaises leur ont-elles donné trois surnoms qui résument fort justement toute la psychologie des Touaregs : les Voleurs, les Hyènes, les Abandonnés de Dieu.

Et cependant c’est à ce peuple, devenu le plus inutile et le plus néfaste de la terre, que Tombouctou doit sa fondation.

Vers le cinquième siècle de l’Hégire, c’est-à-dire vers l’an 1100 de notre ère, une tribu de Touaregs, les Maks ara[1], déambulait avec ses troupeaux entre la ville d’Araouan dans le Sahara et le petit village d’Amtagh[2] situé sur une dune des bords du Niger.

En été, durant la saison sèche, ils emmenaient leurs troupeaux sur les rives du fleuve. Pendant les hautes eaux et l’hiver, ils retournaient au désert.

  1. Aujourd’hui les Markasseghi, fixés à l’est de Tombouctou, dans la Boucle, et faisant partie de la famille des Tenghérégifs.
  2. Aujourd’hui Hamtagal, au sud-ouest de Tombouctou.