Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
13
L’ASTRONOMIE PYTHAGORICIENNE

Au sujet de cette première hypothèse essentielle de l’Astronomie philolaïque, les témoignages abondent. Voici d’abord celui d’Aristote[1] : « Les Pythagoriciens croient qu’au corps le plus noble convient la plus noble place, que le feu est plus noble que la terre, que les lieux terminaux sont plus nobles que les lieux intermédiaires, enfin que les lieux terminaux sont l’espace extrême et le centre. De là ils concluent par analogie que ce n’est pas la terre qui occupe le centre de la sphère du Monde, mais le feu. En outre, ces Pythagoriciens pensent que ce que l’Univers a de plus important est aussi le poste qu’il est le plus digne de garder ; et comme le centre est ce lieu le plus important, ils le nomment le poste de garde de Jupiter (Διὸς φυλαϰή) ».

Aristote s’exprimait à peu près de la même manière en son traité Sur les doctrines pythagoriciennes, d’après ce que nous en rapporte Simplicius[2].

Chalcidius, commentant le Timée de Platon, nous dit aussi[3] que les Pythagoriciens nomment le feu central Jovis custos ; il ajoute qu’il est, à leur avis, le principe de toute matière ; que par lui, la Terre, l’Antichthone dont nous parlerons tout à l’heure et, sans doute, tous les autres astres sont mus en cercle.

Ce feu central recevait de Philolaüs les noms les plus variés et les plus propres à en exprimer l’excellence ; au dire de Stobée[4], il le nommait foyer de l’Univers (τοῦ Παντός ἑστία), demeure de Jupiter, mère des Dieux, autel, lieu, mesure de la Nature.

Le feu central, siège de la Divinité et principe des mouvements célestes, n’est pas le seul feu qui soit dans l’Univers ; nobles tous deux, les deux termes extrêmes doivent, Aristote nous l’a dit, être occupés par la plus noble des substances, par le feu ; aux confins de l’Univers, donc, s’étend une région ignée. Stobée[5] vient con-

  1. Aristote, De Cœlo lib. II, cap. XIII (Aristotelis Opera, éd. Firmin-Didot, t. I, p. 403 ; éd. Bekker, t. I, p. 293, col. a).
  2. Simplicii In Aristotelis de Cœlo libros commentaria ; in lib. I, cap. XIII (Simplicii Commentarius in IV libros Aristotelis de Caelo. Ex rec. Sim. Karsteni, Trajeeti ad Rhenum, MDCCCLXV. pp. 229-230. Simplicii In Aristotelis de Caelo commentaria'. Edidil I. L. Heiberg, Berolini MDCCCLXXXXIV, p. 513) ; Les commentaires sur la Physique et sur le De Caelo d’Aristote rédigés à Athènes, au vie siècle de notre ère, par Simplicius, sont une mine inépuisable de renseignements précieux. Simplicius résume ou cite textuellement une foule d’ouvrages aujourd’hui perdus. L’exactitude de ces résumés et de ces citations est garantie par la très grande valeur intellectuelle du commentateur.
  3. Chalcidii Commentarius in Timœum Platonis, § CXXI (Fragmenta philosophorum grœcorum Collegit F. Mullachius. Vol. II, p. 209 ; Paris. Ambroise Firmin-Didot).
  4. Stobæi Eclogæ physicæ, I, 22 ; éd. Meineke, p. 134.
  5. Stobæi, loc. cit.