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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

firmer sur ce point le renseignement qu’Aristote nous a donné ; il nous apprend que Philolaüs admettait l’existence d’un autre feu suprême, entourant le Monde.

L’espace compris entre le feu central et le feu d’en haut (ἄνοθεν πῦρ) était partagé[1] en trois domaines concentriques.

La région la plus élevée, la plus voisine du feu supérieur, recevait le nom d’Olympe (Ὄλυμπος) ; là, les éléments se trouvent à l’état de pureté parfaite ; c’est là, sans doute, que Philolaüs plaçait les étoiles fixes.

Au-dessous de l’Olympe, s’étend le Monde (Κόσμος) ; lorsqu’au travers du Monde, on descend du feu suprême vers le feu central, on rencontre d’abord les cinq planètes, puis le Soleil, enfin la Lune.

Tous ces astres tournent autour du feu central, dont ils reçoivent le mouvement. Le Soleil n’est pas lumineux par lui-même ; c’est une masse transparente comme le verre qui reçoit l’illumination du feu d’en haut et la renvoie vers nous[2].

Au-dessous du Monde[3] entre la Lune et le feu central, s’étend la région que Philolaüs nomme le Ciel (Οὐρανός) ; « c’est en cette région que se trouvent les choses soumises à la génération, apanage de ce qui aime les transmutations, Ἐν ᾦ τὰ τῆς φιλομεταϐόλου γενέσεως ».

En ce système de Philolaüs, nous voyons s’affirmer un principe que l’Astronomie platonicienne gardera jalousement, que l’Astronomie péripatéticienne modifiera pour le renforcer, et qui, à de bien rares exceptions près, s’imposera à tous les physiciens jusqu’aux temps modernes. Ce principe consiste à établir une opposition radicale entre la région sublunaire et la région qui s’étend depuis la Lune jusqu’aux contins de l’Univers.

Les corps qui se trouvent au-dessus de la Lune sont formés de feu pur ou d’éléments purs. Comme, en la substance de chacun de ces corps, il n’y a aucun mélange d’éléments divers, il n’y a, non plus, aucune aptitude à l’altération ni au changement ; chacun de ces corps est immuable ; il est, dès lors, éternel ; il n’a pas été engendré et ne saurait périr.

Les corps sublunaires, au contraire, sont tous des mixtes ; en chacun d’eux, les éléments sont mélangés en proportion variable ;

  1. Stobæi, loc. cit.
  2. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. II, cap. XX ; — Stobæi Eclogæ physicæ, I. — Achillis Tath Isagoge in Phœnomena (Petavii, Uranologia, p. 138).
  3. Stobæi Eclogæ physicæ, I, 22 ; éd. Meineke, pp. 134-133.