Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
L’ASTRONOMIE PYTHAGORICIENNE


Pseudo-Plutarque[1] font mouvoir la Terre, non pas d’un mouvement qui la fasse changer de place, mais comme une roue, autour de son propre centre, d’Occident en Orient. »

Saint Hippolyte écrit de même[2] : « Un certain Ecphantus de Syracuse dit que la Terre, milieu du Monde, se meut autour de son propre centre [de l’Occident] vers l’Orient. »

Enfin Eusèbe répète[3], en l’explicitant, l’information du De placitis philosophorum : « Héraclide du Pont et Ecphantus de Syracuse font mouvoir la Terre, non pas d’un mouvement qui la fasse changer de place, mais d’un mouvement de rotation (τρεπτιϰῶς), à la façon d’une roue qui tourne autour d’un axe, d’Occident en Orient, autour de son propre centre ».

Entre le système de Philolaüs, qui fait tourner la Terre autour du feu central, et le système des pythagoriciens Hicétas et Ecphantus, qui la font tourner sur elle-même, doit-on voir un lien et peut-on établir une transition ? Giovanni Schiaparelli l’a pensé. Fort justement, il a fait remarquer[4] que les connaissances géographiques des Grecs s’étaient peu à peu étendues ; ils avaient pu converser aussi bien avec des Ibères des bords du Tage qu’avec des Indiens des rives du Gange, avec des insulaires de Thulé ou des habitants de Taprobrana ; nul des hommes qu’ils avaient pu rencontrer en la région accessible de la Terre n’avait jamais vu l’Antichthone ni le feu central se lever au-dessus de l’horizon ; force fut donc aux Hellènes de reléguer ces deux corps dans le domaine de la fantaisie.

Mais en renonçant au système de Philolaüs, les pythagoriciens en retinrent tout ce qu’ils en pouvaient conserver sans absurdité manifeste. « Ils conservèrent donc au feu central sa position et sa mission vivificatrice ; mais de la Terre et de l’Anti-terre, ils firent les deux hémisphères d’un astre unique ; au centre de cet astre, centre immobile et identique au centre du Monde, fut placé le foyer de l’Univers,

» En ce foyer, résidait le principe moteur de toutes les sphères ; la Terre, qui en était plus voisine que tout autre corps, devait tourner autour de ce foyer avec la rapidité la plus grande ; on attribua donc à la Terre le mouvement diurne autour des pôles de l’équateur. »

  1. Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. III, cap. XIII.
  2. L’ouvrage de saint Hippolyte dont nous parlons ici est souvent attribué à Origène sous le titre : Origenis Philosophumena live omnium hœresium refutatio ; [Origenis Opera omnia, accurante Migne, t. VI, pars III), lib. I, cap. XV (Patrologiæ grœcœ tomus XVI, pars III) Coll. 339-340].
  3. Eusebii lib. XV, cap. LVIII.
  4. Giovanni Schiaparelli, Op. cit., pp. 402-405.