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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Au temps d’Aristote, cette transformation du système de Philolaüs était déjà un fait accompli, dans les écoles pythagoriciennes ; dans ces écoles, semble-t-il, ceux qui tenaient encore pour le système de Philolaüs avaient la réputation d’hommes arriérés ; c’est du moins ce que nous devons conclure d’un texte[1] où Simplicius nous rapporte ce qu’Aristote disait en ses Pythagoriques.

Simplicius vient d’étudier, d’après cet ouvrage, le système de Philolaüs ; il poursuit ainsi :

« Aristote a exposé en ces termes les idées « les Pythagoriciens : mais ceux [d’entre eux] qui ont reçu en partage une connaissance plus exacte de ces choses (οἱ δὲ γνησώτεριον αὐτῶν μετασχόντες) placent au milieu le feu, doué de la puissance créatrice (δημιουργιϰὴ δύναμις) ; de cette position centrale, le feu vivifie toute la Terre et réchauffe ce qui, en elle, s’est refroidi. C’est pourquoi les uns le nomment la tour de Jupiter, comme Aristote le dit en ses Pythagoriques, d’autres le poste de Jupiter, comme cet auteur le rapporte en ces livres-ci [le De Cælo], d’autres encore le trône de Jupiter, selon ce que nous content certains écrivains.

» Ils disent que la Terre est un astre en ce sens qu’elle est l’instrument [de la mesure] du temps ; elle est, en effet, la cause des jours et des nuits ; en celle de ses parties que le Soleil illumine, elle produit le jour, en l’autre partie, qui se trouve au sein du cône d’ombre qu’elle engendre, elle produit la nuit. Ces Pythagoriciens donnent le nom d’Anti-terre à la Lune ; ils la nomment également terre éthérée, parce qu’elle peut intercepter la lumière du Soleil, ce qui est le propre de la Terre, et aussi parce qu’elle est la limite inférieure de la région céleste comme la Terre est la limite inférieure de la région sublunaire. »

Peut-être trouverait-on que ce texte n’est pas assez explicite ; peut-être lui reprocherait-on de ne pas dire assez nettement que le centre (τὸ μέσον) où se trouve le feu est à la fois le centre du Monde et le milieu de la Terre ; de ne pas affirmer assez clairement que la rotation de la Terre est la cause des jours et des nuits. Tout doute à cet égard sera levé par un second texte ; ce nouveau texte émane d’un scholiaste dont le nom nous est inconnu ; mais, assurément, ce scholiaste puisait aux mêmes sources que Simplicius ; voici ce qu’il nous dit[2] :

« Les Pythagoriciens enseignent que le feu créateur se trouve

  1. Simplicii In Aristotelis libros de Cœlo commentarii, in lib. II cap. XIII ; éd. Karsten, p. 229 ; éd. Heiberg, p. 512.
  2. Brandis, Scholia in Aristotelem, pp. 504-505 (Aristotelis Opera. Edidit Academia Regia Borussica. Vol. IV).