Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LA COSMOLOGIE DE PLATON

Telles sont les difficultés que présente l’interprétation des doctrines platoniciennes ; elles sont si grandes que le sens de tel passage du Timée n’a cessé, depuis le temps d’Aristote, de provoquer des débats entre les commentateurs.

Donner, comme nous allons essayer de le faire, un exposé systématique et résumé de la Cosmologie platonicienne, c’est courir le très grand risque de fausser et de forcer la pensée du Maître en la fixant dans un cadre trop rigide et trop étroit ; nous espérons, toutefois, n’en pas défigurer à l’excès les lignes essentielles.

C’est au Timée que nous demanderons ce que Platon enseignait au sujet des éléments.

Dieu est bon[1] ; sa bonté exclut tout sentiment d’envie ; cette bonté le pousse à créer toutes choses de telle sorte qu’elles lui ressemblent autant que possible.

Il a donc voulu, à sa propre ressemblance, créer un être animé (ζῷον) qui comprît en lui tous les êtres animés et qui fût l’Univers. Comme Dieu, qui est l’être animé absolu, est unique, l’Univers, fait à l’image de Dieu, imite l’unité divine ; il n’y a donc ni une infinité de mondes ni plusieurs mondes ; il n’y a, il n’y aura jamais qu’un seul Monde.

Ce Monde créé doit être de nature corporelle (σωματοειδές) ; il doit donc être visible et tangible. Or, en l’absence du feu, rien n’est visible ; rien n’est tangible qui ne soit solide, et sans terre, rien ne saurait être solide. Dieu a donc, au commencement, formé de feu et de terre le corps de l’Univers.

Mais la beauté de l’Univers veut qu’entre ces deux éléments extrêmes, le feu et la terre, un lien soit établi. Quel sera ce lien ? Par quels intermédiaires sera-t-il assuré ? À cette question, Platon donnera une réponse que lui suggéreront des comparaisons géométriques[2].

Entre deux grandeurs et un intermédiaire est fourni par la moyenne proportionnelle que définit, pour les algébristes modernes, l’égalité


et étant donnés, est déterminé par l’égalité

Cette égalité, les Grecs la concevaient et l’énonçaient sous forme

  1. Platon, Timée, 29-31 (Platonis Opera, Ex recensione Sohneideri édidit Ambroise-Firmin Didot. Paris, 1846 ; vol. II, pp. 205-206).
  2. Platon, Timée, 32 ; éd. cit., vol. II, p. 206.