Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
LA COSMOLOGIE DE PLATON

VI
LA PESANTEUR

Démocrite voulait que les atomes, tous pesants, tombassent éternellement dans le vide infini. Platon rejette formellement une telle supposition[1] ; pour lui, nous le verrons, l’Univers est limité et sphérique : pas un homme sensé ne dira qu’en cet Univers sphérique, il existe un lieu haut et un lieu bas. Cependant, ces mots haut et bas sont constamment employés dans la description de l’Univers, et Platon lui-même ne se fait pas faute d’en user ; quel sens convient-il donc de leur attribuer ?

Timée pose cette question et, pour y répondre, il imagine que l’on fasse une expérience ; citons, tout d’abord, le texte où cette expérience est décrite et dont l’interprétation nous a semblé parfois inexacte.

« Ἔι τις ἐν τῷ τοῦ παντὸς τόπῳ, ϰαθ’ ὃν ἡ τοῦ πυρὸς εἰληχε μάλιστα φύσις, οὖ ϰαὶ πλεῖστον ἂν ἠθροισμένον εἴη πρὸς ὃ φέρεται, ἐπεμϐάς ἐπ’ ἐϰεῖνο ϰαὶ δύναμιν εἰς τοῦτο ἔχων μέρη τοῦ πυρὸς ἀφαιρῶν ἱσταίη τιθεὶς εἰς πλάστιγγας, αἴρων τὸν ζυγὸν ϰαὶ τὸ πῦρ ἕλϰων εἰς ἀνόμοιον ἀέρα βιαζόμενος δῆλον ὡς τοὔλαττόν τὸ μὲν ἔλαττον μᾶλλον, τὸ δὲ πλέον ἧττον ἀνάγϰη που ϰατατεινόμενον ξυνέπεσθαι τῇ βίᾳ, ϰαὶ τὸ μὲν σμιϰρὸν[2] βαρὺ ϰαὶ ϰάτω φερόμενον ϰληθῆναι, τὸ δὲ ἐλαφρὸν ϰαὶ ἄνω. »

Voici comment on peut, nous semble-t-il, interpréter cet important passage :

« Qu’un homme se trouve en ce lieu de l’Univers qui est tout spécialement échu en partagea la nature du feu, où la plus grande masse de ce l’eusc trouve rassemblée et vers lequel le feu se porte ; supposons qu’il soit monté en ce lieu et qu’ayant le pouvoir à ce nécessaire, il détache diverses parties de feu et les place dans des plateaux de balance. Que cet homme prenne alors un fléau de balance et, au sein de l’air qui n’est point semblable au feu, qu’il exerce une force tendant à abaisser le feu ; il sera manifeste qu’un feu moindre cède plus aisément à cette force qu’un feu plus grand. Que par une même [espèce de] force deux feux soient, en même temps, tirés vers le haut ; il faudra nécessairement, pour

  1. Platon, Timée, 62-63 ; éd, cit., pp. 227-228.
  2. Dans le texte que nous avons consulté, les mots σμιϰρὸν et πολύ sont permutés par une erreur évidente.