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LA COSMOLOGIE DE PLATON

« Aucune doctrine pythagoricienne[1] n’est plus connue et ne peut être attribuée avec plus de certitude au fondateur de l’École que la doctrine de la transmigration des âmes. Il en est déjà parlé dans Xénophane, ensuite dans Ion de Chios. Philolaüs l’expose, Aristote la désigne comme une fable pythagoricienne, et Platon a évidemment tracé ses descriptions mythiques sur l’état des âmes après la mort à l’imitation des Pythagoriciens. »

Ce qui nous intéresse ici, c’est le caractère cyclique que les Pythagoriciens attribuaient aux transmigrations de chaque âme ; ce caractère se marque nettement dans un texte d’Eudème que Simplicius nous a conservé.

Aristote, en sa Physique[2], après avoir dit comment le temps est ce par quoi nous mesurons le mouvement, parle d’un mouvement qui se reproduit périodiquement identique à lui-même ; ce mouvement qui revient, toujours le même, a pour mesure un temps qui, nécessairement, est toujours le même : « Quand il arrive qu’un mouvement se reproduit plusieurs fois de suite, un et toujours le même, il en est ainsi du temps (ἔτι ὡς ἐνδέχεται ϰίνησιν εἶναι τὴν αὐτὴν ϰαὶ μίαν πάλιν, οὕτω ϰαὶ χρόνον) ; tels sont l’année, le printemps, l’automne ».

En commentant ce texte, Simplicius[3] soulève la grande discussion à laquelle une citation d’Empédocle nous a déjà permis de faire allusion : Un mouvement qui se reproduit toujours identique à lui-même doit-il ramener des êtres numériquement identiques entre eux ou seulement des êtres spécifiquement semblables ? À ce propos, Simplicius écrit :

« Les Pythagoriciens enseignaient que, de nouveau et encore de nouveau (πάλιν ϰαὶ πάλιν), des êtres étaient engendrés qui étaient, même numériquement, identiques aux êtres engendrés précédemment. Rien de mieux que d’écouter le discours par lequel Eudème, au troisième livre de sa Physique, développe le texte que nous venons de citer : « Mais, demandera-t-on, le même temps se reproduira-t-il de nouveau, comme quelques-uns le disent, ou bien ne se reproduira-t-il pas ? Le même temps se dit de plusieurs manières. Un temps qui est le même au point de vue de l’espèce (τῷ εἵδει τὸ αὐτὸ) se reproduit d’une façon manifeste ; ainsi en est-il de l’été, de l’hiver et des autres époques et périodes ;

  1. Édouard Zeller, La philosophie des Grecs, trad. Boutroux, t. I, p. 427.
  2. Aristote, Physique, livre IV, ch. XII (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 302 ; éd. Bekker, vol. II, p. 220, col. b).
  3. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quatuor priores commentaria, Edidit Hermannus Diels, pp. 732-733.