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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


de même se reproduisent des mouvements qui sont spécifiquement les mêmes ; le Soleil, par exemple repasse aux points équinoxiaux, aux points tropiques et accomplit derechef les autres parties de sa course. Mais si l’on en croyait les Pythagoriciens, ce sont les mêmes choses, identiques au point de vue numérique, qui se doivent reproduire (πάλιν τὰ αὐτὰ ἀριθμῷ) ; je vous raconterai de nouveau cette même fable, en tenant à la main ce même bâton, et vous serez tous assis comme vous l’êtes, et toutes les autres choses se comporteront semblablement : dès lors, il est raisonnable de dire que le temps sera [numériquement] le même ; que l’on considère, en effet un seul de ces mouvements identiques ou que l’on considère semblablement un grand nombre de ces mouvements identiques, on y trouvera une seule et même succession d’événements (τὸ πρότερον ϰαὶ ὕστερον ἓν ϰαὶ ταὐτόν) ; le nombre qui mesure ces mouvements sera donc aussi le même. Toutes choses donc seront identiques, en sorte que le temps le sera aussi. Πάντα ἄρα τὰ αὐτά, ὥστε ϰαὶ ὁ χρόνος ».

L’identité des périodes cosmiques successives était donc si rigoureuse pour les Pythagoriciens qu’on ne pouvait plus distinguer ces périodes les unes des autres ; il ne restait aucun moyen de les placer à des époques différentes, de leur attribuer une succession ; les temps relatifs à toutes ces périodes ne formaient en vérité qu’un seul temps, le temps de l’une d’entre elles ; telle est la pensée profonde qu’Eudème expose en ce passage.

L’idée de la vie périodique de l’Univers et de la Grande Année qui la rythme était extrêmement familière aux écoles pythagoriciennes. Quelle forme elle y prenait au moment même où Platon, en ses voyages, recueillit renseignement de ces écoles, nous le savons par Archytas de Tarente. Les livres où Archytas traitait des catégories et, en particulier, du temps, sont aujourd’hui perdus ; mais, nous l’avons dit, Simplicius, qui avait ces livres sous les yeux, nous a fidèlement résumé[1] la théorie du temps qui s’y trouvait contenue ; qui plus est, il a eu le bon esprit de nous donner certaines citations textuelles d’Archytas.

C’est ainsi que Simplicius nous rapporte en propres termes[2] la définition du temps telle que la donnait le philosophe de Tarente : « Le temps, c’est le nombre d’un certain mouvement, ou bien

  1. Simplicii In Aristotelis categorias commentarium, Edidit Carolus Kalbfleisch. Berolini. MCMVII. Περὶ τοῦ ποτὲ ϰαὶ ποῦ, pp. 350-353. — Simplicii In Aristotelis physicorum libros quatuor priores commentaria. Edidit Hermannus Diels. Berolini, 1882, Lib. IV, corollarium de tempore, pp. 785-786.
  2. Simplicii In Aristotelis categorias commentarium, loc. cit., éd. cit., p. 350.