Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

telle sphère. Ce morceau s’étend [sur une certaine épaisseur] de part et d’autre du grand cercle de chacune des sphères suivant lequel s’effectue le mouvement en longitude ; l’étendue de ce morceau, de part et d’autre de ce grand cercle, correspond à l’amplitude du mouvement en latitude. S’il s’agit d’un épicycle, la forme d’un tel morceau est celle d’un tambourin ; s’il s’agit d’une sphère creuse, elle est analogue à une ceinture, à un anneau, ou encore à une bague, comme dit Platon.

» L’examen mathématique démontre qu’il n’y a aucune différence entre les deux modes que nous venons de décrire. Tous les mouvements qui peuvent être reçus par des sphères complètes, peuvent être rapportés et comparés aux mouvements des fragments de sphères que nous avons définis, de telle manière qu’il y ait, entre eux, exacte coïncidence, et qu’ils soient, à l’égard des phénomènes, des mouvements équivalents. »

Le mathématicien ne saurait donc fournir au physicien aucune raison péremptoire pour s’attacher à l’une des deux formes d’hypothèses plutôt qu’à l’autre.

« Des deux sortes de causes précédemment définies, un physicien[1] déclare-t-il que la cause du retard les uns sur les autres des divers corps mobiles est la première ou qu’elle est la seconde ? Il n’en résultera aucune conséquence particulière ni aucune différence. Qu’il dise, je suppose : Cette cause se trouve en des sphères complètes ; ou bien qu’il dise : Cette cause réside dans les morceaux qu’on peut découper en ces sphères ; il n’y a là aucune raison qui puisse entraîner une conséquence particulière ou une différence ; pas plus qu’une différence ne saurait provenir de ce que telle sphère en particulier est regardée comme creuse et telle autre comme pleine. »

En résulte-t-il que le physicien devra demeurer en suspens entre ces deux sortes d’hypothèses, sans trouver aucune raison qui lui permette de préférer l’une à l’autre ? Loin de là. Il peut, en effet, recourir à ce principe[2] : « Il n’y a rien, dans la nature, qui soit dénué de sens et dépourvu d’usage ».

C’est de ce principe qu’on s’est autorisé, par exemple, pour déclarer que Mercure et Vénus devaient se trouver placés entre la Lune et le Soleil ; sinon, en effet, ces deux astres seraient séparés par un vaste espace vide et inutile.

C’est en vertu du même principe qu’on ne fera pas appel « à des sphères complètes pour rendre compte de mouvements aux-

  1. Ptolémée, Op. laud., éd. cit., pp. 118.
  2. Ptolémée, Op. laud., éd. cit., pp. 118.