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ASCANIO.

Avec son outil à modeler, qui était en fer, il avait l’une après l’autre enlevé toutes les têtes de clous, à l’exception de quatre en haut et de quatre en bas qu’il réservait pour le dernier jour ; puis, pour qu’on ne s’aperçût pas de leur absence, il les avait remplacées par des têtes de clous exactement pareilles qu’il avait modelées avec de la glaise, et qu’il avait recouvertes avec de la raclure de fer, de sorte qu’il était impossible à l’œil le plus exercé de reconnaître les têtes de clous véritables d’avec les têtes de clous fausses. Or, comme il y avait, tant en haut qu’en bas de la porte, une soixantaine de clous, que chaque clou prenait quelquefois une heure, même deux heures à décapiter, on comprend le travail qu’avait dû donner au prisonnier une pareille exécution.

Puis chaque soir, lorsque tout le monde était couché et qu’il n’entendait plus que le bruit des pas de la sentinelle qui se promenait au dessus de sa tête, il faisait grand feu dans sa cheminée, et transportait de sa cheminée, le long des plaques de fer de sa porte, un amas de braises ardentes ; alors le fer rougissait et réduisait tout doucement en charbon le bois sur lequel il était appliqué, sans que cependant du côté opposé de la porte on pût s’apercevoir de cette carbonisation.

Pendant un mois, comme nous l’avons dit, Benvenuto se livra à ce travail, mais aussi au bout d’un mois il était complètement achevé, et le prisonnier n’attendait plus qu’une nuit favorable à son évasion. Or, il lui fallait attendre quelques jours encore, car à l’époque même où ce travail fut fini il faisait pleine lune.

Benvenuto n’avait plus rien à faire à ses clous, il continua de chauffer la porte et de faire enrager le gouverneur.