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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

énergumènes, autour du buste de Racine — qui est adossé à la muraille — en criant Racine est enfoncé !

» Ce n’était que ridicule ; on haussa les épaules.

» Le lendemain, le Corsaire disait que l’ouvrage, était une monstruosité, et que l’auteur était jésuite et pensionné. C’était, il faut en convenir, une excellente plaisanterie, adressée au fils d’un général républicain dont la mère n’a jamais touché la pension qui peut-être lui était due, ni du gouvernement de l’Empire, ni du gouvernement du roi.

» Cela devenait plus que ridicule, c’était méprisable.

» Quant à la Gazette de France, je lui rends la justice de dire qu’elle n’a point varié un instant dans l’opinion que M. de Martainville y exprima le premier jour. Ce journal démêlait dans la pièce une conspiration flagrante contre le trône et contre l’autel ; quant au journaliste, il exprimait le regret, vivement senti, de n’avoir pas vu paraître l’auteur demandé. On assure, disait-il, que sa figure porte un caractère éminemment romantique. Or, comme le romantisme, est la bête noire de M. de Martainville, je puis croire, sans être trop poințilleux, qu’il n’avait point l’intention, de me faire un compliment. Non-seulement ce n’est pas poli de la part de M. de Martainville, mais encore ce n’est pas délicat : M. de Martainville sait fort bien, qu’on fait sa réputation, et qu’on ne fait pas sa physionnomie.

» M. de Martainville a une physionomie fort respectable.

» Je pourrais continuer, expliquer les causes de ces changements et de ces injures, faire connaître des anecdotes assez curieuses sur certains individus ; je pourrais encore… Mais les douze colonnes de votre journal n’y suffiraient point.

« Je terminerai donc ma lettre en vous demandant un conseil, à vous, monsieur qui avez de l’expérience. Comment un auteur doit-il faire pour s’épargner les querelles aux premières représentations ? J’en ai eu trois, pour mon compte, depuis trois mois ; — trois querelles bien entendu : si c’eût été trois représentations ; je n’y eusse pas survécu !

» Une à Isabel de Bavière, avec un admirateur de M. de Lamothe-Langon qui prétendait que j’avais sifflé.