Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/107

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qui naît, vieillit, meurt, tombe et renaît encore »[1]. Voilà le postulat fondamental de la doctrine ; et c’est exactement aussi où en est Leconte de Lisle. Lui et les sages hindous, ils ont constaté le même mal. Mais les sages hindous se sont demandés : « Comment l’homme échappera-t-il à ses tortures ? » ils ont trouvé un remède, et Leconte de Lisle essayera de se l’appliquer. Ce remède, c’est d’abord la morale ascétique, plus exigeante et plus terrible dans l’Inde que nulle part ailleurs. Eteindre en soi tout désir, renoncer à tout sentiment, s’affranchir de tous les liens qui nous rattachent aux hommes et aux choses, et par là nous font souffrir, de l’amour, y compris l’amour d’un fils pour sa mère ou de parents pour leur enfant[2] ; oublier sa propre existence surtout, s’absorber dans la contemplation pure, la surhumaine, bienheureuse et sainte Inaction[3], ne plus

  1. Burnouf. Introduction à l’histoire du buddhisme indien, p. 433 dans l’édition de 1876.
  2. Narada dans Bhagavat. [Poèmes antiques, p. 11 et p. 16.] Cf. Bhâgavata-Purâna, VI, XVI, 13, où des parents qui ont longtemps pleuré leur enfant mort se rendent enfin aux exigences de la philosophie : « Ils renoncèrent à ce sentiment si difficile à quitter, l’amour, source de chagrin, de trouble, de crainte et de douleur. »
  3. Bhagavat : « l’inaction surhumaine ». — La Vision de Brahma : « la bienheureuse et sainte Inaction ». [Poèmes antiques p. 9 et p. 57.]