Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/118

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l’imagination hindoue n’avait rien à tirer des maigres récits ou dialogues buddhistes qu’il pouvait connaître. Voilà pourquoi on a parlé quelquefois de son panthéisme ; mais cette conclusion est précipitée, et en réalité ce n’est pas par là que la philosophie hindoue lui a été féconde. Que son imagination ait reçu du panthéisme un certain cachet qui ne s’effacera jamais, cela est certain, mais aussi n’est-ce guère que de l’imagination qu’il faut entendre tout ce que des critiques en ont dit. L’un nous parle de « l’identité profonde des choses en apparence les plus opposées » que révèlent les Poèmes[1] ; l’autre de la pénétration dans l’âme des animaux « à force de panthéisme »[2] ; et ce n’est certainement pas attribuer à cette disposition de Leconte de Lisle un caractère d’opinion rationnelle que de dire comme Ménard : « je suis polythéiste et chrétien, lui, il est panthéiste et bouddhiste »[3]. L’idée du néant étant difficile, presque impossible à maintenir sans défaillance à travers toutes les spéculations, Leconte de Lisle a pu s’en échapper par instants et glisser dans le panthéisme ; et encore ne peut-on citer dans toute sa poésie en dehors des poèmes hindous qu’une seule

  1. G. Noël. Revue contemporaine, 1870. [t. CX].
  2. Ménard. Critique philosophique. 30 avril 1887.
  3. Ibid.