Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/126

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Oh ! Loin, loin de la Vie aveugle où l’esprit sombre
Avec l’amas des jours stériles et des nuits,
Ouvre-moi la Cité du silence et de l’ombre.
Le sépulcre muet des Dieux évanouis.


Les premiers pas dans ce retour au passé religieux datent de la Recherche de Dieu et se trouvent ainsi coïncider avee le premier pressentiment du pessimisme.

Quand il était fouriériste et que, tout plein de son espoir d’un bonheur terrestre futur et de sa foi socialiste, il marchait courageusement devant lui, les religions, dont l’idéal de bonheur s’opposait au sien, quelques respectables qu’elles fussent, étaient des obstacles qu’il trouvait sur sa route et dont il devait triompher. La religion est un « songe inutile »[1], et le christianisme plus que les autres : s’en détacher brutalement était une nécessité de la lutte ; aussi dans Architecture, quelle rudesse impitoyable pour l’impotent passé ! Il s’agit des vieilles cathédrales gothiques ; à vrai dire, le poète consent à ne pas les démolir, mais c’est surtout parce qu’elles n’en valent pas la peine, et non parce que leur sort l’intéresse en quoi que ce soit :


Ce n’est point, sachez-le, que je sois effrayé
Que l’autel de Baal s’écroule foudroyé.
Du vieux catholicisme agitant la bannière,
Je ne veux point pousser de plainte routinière,

  1. Niobé [Poèmes antiques, p. 154.]