Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ni, semblable aux pleureurs du culte agonisant,
Chanter la pierre inerte et le clocher gisant.


L’optimiste actif et belliqueux ne doit faire face à la religion que dans une attitude hostile. Les hommes sont les « martyrs des cultes détestés »[1], et ces cultes, il faut les vaincre à tout prix.


Pour gravir les degrés de l’Échelle infinie
Foule les Dieux couchés dans leurs sacrés tombeaux,[2]


Et quand, dans sa lettre du 31 juillet 1846, il trace son programme et sa profession de foi, il n’a aucun égard pour le « fatras mystique des révélations particulières ». « Il faut oublier les cultes menteurs ! » L’ardeur de la lutte remporte et il ne s’arrête pas aux subtilités ; quand un culte n’est pas vrai, cela suffit : on lui tourne le dos et l’on n’y revient plus. Mais c’est en cela que Leconte de Lisle s’est trompé.

Que l’esprit se détende, que l’homme d’action fasse place au poète et au contemplateur, c’en est assez pour qu’il reconnaisse que ces Dieux qu’il rejette n’en sont pas moins sacrés. Mais il y a plus. Depuis la Recherche de Dieu, l’optimisme lui-même repose sur une base chancelante ; les éléments du pessi-

  1. Niobé, texte de 1846.
  2. In Excelsis [Poèmes barbares, p. 239].