Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/132

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Et, songeant alors déjà que peut-être la recherche est vaine à jamais, ce n’est pas sur lui-même qu’il pleure, pas sur ses propres croyances perdues, mais sur l’humanité et ses religions qui passent et ne laissent pas trace de leur passage. C’est au christianisme qu’il pense tout d’abord, à la religion qu’il a connue lui-même ; mais derrière le temple écroulé de Saint-Pierre il aperçoit toutes les ruines des temples du passé :


Et s’il reste un débris de ta gloire éclipsée,
Comme un mort colossal sur le sol étendu,
Il ne dira jamais si ta lèvre glacée
Cria jadis vers Dieu, si Dieu t’a répondu !

Rien ! Une dira rien, si ce n’est la folie,
La douleur et la mort et le bruit d’un vain nom,
Si ce n’est que Dieu tue et que la terre oublie,
Et que l’écho du ciel incessamment dit : Non !

Seigneur, Seigneur ! Balbeck aux ruines séculaires
Gît dans le désert morne en blocs amoncelés…
L’avez-vous donc brisée au choc de vos colères ?
Vous a-t-elle entendu dans les cieux ébranlés ?


C’est parce qu’il a pensé à l’humanité, et non plus à soi, qu’il a pu écrire dès la Recherche ces vers, étonnants vraiment pour qui se rappellera qu’à cette date il ne s’était encore occupé d’aucune religion autre que le christianisme :