Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/143

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arrache au poète des accents d’un amour passionné pour celui que la première fois dans sa vie il appelle alors le Rédempteur. L’idéal antique et l’idéal chrétien se retrouvent, à plusieurs reprises, réunis dans un même culte ; après avoir, dans le Nazaréen, mis le Christ aux côtés de ses Égaux antiques, Leconte de Lisle fera dire par Hypatie elle-même au chrétien Cyrille :


Jean n’a-t-il point parlé comme autrefois Platon ?
Les mots diffèrent peu, le sens est bien le même.
Nous confessons tous deux l’espérance suprême,
Et le Dieu de Cyrille, en mon cœur respecté,
Comme l’Abeille attique a dit la vérité
[1].


Dans le même poème, s’il ne croit plus, comme au temps d’Hypatie, que le christianisme ait été une élévation des destins humains, du moins semble-t-il accorder que son apparition au milieu de la décadence du monde antique a pu être une chose nécessaire et la seule adaptation possible à des besoins nouveaux ; c’est ce qui ressort du moins de l’argumentation de Cyrille, qui est loin d’être faible. Et non seulement il comprend les premiers chrétiens,

  1. Hypatie et Cyrille [Poèmes antiques, p. 278]. Voyez aussi à la page suivante :

    Je rends ce que je dois au Prophète inspiré.
    Et comme à toi, mon père, il m’est aussi sacré.