Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/145

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De sorte que Baudelaire, qui écrivait en 1861, a pu encore parler de son « ardente mais impartiale curiosité des religions » et dire de lui comme de Renan : « jamais d’absurde impiété »[1].

Mais au moment où Baudelaire écrivait ces lignes, elles n’étaient déjà plus tout à fait vraies.

L’idée qu’il se faisait du Christ n’a certes pas changé : depuis la première fois où ce nom est prononcé jusqu’au plus tardif des Derniers Poèmes, il n’y a pas dans toute l’œuvre de Leconte de Lisle un mot sur le Christ qui ne soit respectueux, et il y en a même qui se nuancent d’une véritable piété. Il est la « victime auguste et volontaire »[2], la « vivante vertu »[3], la beauté morale personnifiée ; au plus fort de son ardeur socialiste Leconte de Lisle ne l’a pas oublié et il le répétera toujours[4]. Il ira jusqu’à

  1. Dans la notice déjà citée du recueil de Crépet, t. II p. 528.
  2. Le Massacre de Mona.
  3. Le Nazaréen.
  4. Pour l’époque fouriériste, voy. la Recherche de Dieu, après que toutes les illusions se sont évanouies :

    Je vis à la lueur des cierges vacillants,
    Qui de rouges reflets doraient ses pieds sanglants,
    Courbant sa tête pâle, au triple rang d’épines
    Jésus tendre vers vous, Seigneur, ses mains divines !

    Dans Architecture, pour donner une idée sublime de l’Art, « ce dieu » qui agonise, il le compare à Jésus. Dans les Ascètes :

    Ô bien-aimés d’un juste, enfants d’un divin père.


    Plus tard, dans Dies Iræ, la strophe souvent citée :

    Figure aux cheveux roux, d’ombre et de paix voilée


    et une description dans le Corbeau (Poèmes barbares, p. 277),