Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/152

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l’idéal de la vie parfaite sur terre, la vie pleine et libre que Fourier et Leconte de Lisle rêvent pour l’avenir, avec, en plus, une beauté que Fourier n’a pas pu rêver. Mais ce n’est encore la Grèce qu’en tant que vie et beauté grecque qui l’attire, non en tant que religion. La religion, c’est toujours le christianisme ; dans l’Églogue harmonienne il est opposé au paganisme, très nettement, comme le religieux au profane. Mais peu à peu, Leconte de Lisle délaisse ce point de vue, et au moment où il écrit Dies Iræ l’évolution est achevée. Cela renverse les idées de plus d’un contemporain[1], et cependant cela est indéniable : le polythéisme grec est devenu pour Leconte de Lisle le type même de la religion. L’amour de la Grèce et le sentiment religieux apparaissent comme fondus l’un dans l’autre. Quand, après avoir montré les modernes sans religion, sans foi et sans amour, il pousse un soupir vers les cultes du passé, voici ce qu’il dit :


Où sont nos lyres d’or, d’hyacinthe fleuries,
Et l’hymne aux Dieux heureux et les vierges en chœur,
Eleusis et Délos, les jeunes Théories,
Et les poèmes saints qui jaillissent du cœur ?


  1. Pour Renan lui-même, les polythéismes mythologiques « méritent à peine le nom de religions » [Avenir de la Science, p. 282]. Il a corrigé ce jugement plus tard, mais n’a jamais eu le sentiment religieux païen comme Leconte de Lisle et Ménard.