Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/156

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mule en passant[1] ; le reste du temps, il laissera à son ami et à Renan l’analyse de cette psychologie de l’homme primitif en face de la nature qui explique la naissance des religions : il la vivra lui-même, et ses poèmes en seront la réalisation et la mise en action.

« L’homme adorait… l’objet vague de ses sensations », avait dit Renan[2]. Il y a quelques vers de Leconte de Lisle qui sont comme le commentaire de cette phrase. Le poète décrit un simple paysage : les bords de la mer, des glaces, des neiges, du brouillard ; mais la vision est subjective, vague et fantastique, et voici à quoi elle aboutit :


Sur les hauts caps branlants, rongés des flots voraces,
Se roidissent les Dieux brumeux des vieilles races,
Congelés dans leur rêve et leur lividité[3].


Il y a ainsi une foule de manifestations naturelles

    ce que Ménard dit d’Hermès : « Une étude attentive de l’hymne homérique m’a conduit à penser que les anciens ont exprimé sous le nom d’Hermès non pas le soleil, mais le crépuscule… Né le matin, il vole le soir les vaches d’Apollon… Ces vaches… ce sont les nuages roses du matin et du soir. »

  1. Poèmes barbares, p. 274, en parlant des Dieux :

                        les mers, les monts, les plaines
    En versaient par milliers aux visions humaines.

  2. Études d’histoire religieuse, p. 16.
  3. Paysage polaire. Poèmes barbares, p. 261.