Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/66

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sommes tous (phalanstériens), nous qui croyons aux destinées meilleures de l’homme et qui confessons la bonté de Dieu, artistes et hommes de science, nous tous qui savons que l’art et la science sont en Dieu, et que le beau et le bien sont aussi le vrai »[1]. De son récent panthéisme, représenté dans cette phrase par l’expression « en Dieu », de sa théorie providentielle fouriériste, il se forme une sorte de prodigieux mélange mystique : c’est vers cette époque qu’il trouve moyen d’écrire à Bénézit, en débarquant à Nantes, ces choses extraordinaires : « Nous ne nous sommes point séparés depuis l’heure où nous avons communié dans l’infini, en esprit et en amour… J’ai tracé le dogme de la foi nouvelle. As-tu poursuivi ton œuvre sainte et belle ? »[2].

Heureusement, il n’y a qu’une lettre sur ce ton : Leconte de Lisle répugnai ! trop à tout ce qui est trouble. Dans le courant de l’année 1846, le panthéisme n’apparaît plus ; au contraire, la théorie fouriériste très souvent, en ce qu’elle a de particulier et de précis. C’est une idée très fouriériste quand il s’indigne contre les « calomnies divines » des conservateurs qui soutiennent que le mal est sans remède[3] : supposer que Dieu ait pu vouloir

  1. Deuxième lettre à Bénézit. Les derniers mots, qui semblent mystérieux, veulent peut-être dire simplement que le bien et le beau sont des vérités, et non de pures utopies.
  2. Première lettre à Bénézit, juin 1845.
  3. Lettre à Bénézit du 31 juillet 1846.