Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/67

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un ordre social éternellement imparfait, c’est calomnier sa Providence ; et fouriériste aussi ce vers où il montre l’humanité « aux desseins créateurs cessant d’être rebelle »[1]. Que, pendant un instant de crise, des idées très différentes aient pu rester amalgamées, c’est, après tout, naturel : mais, pourvu qu’il se familiarisât avec le fouriérisme, Leconte de Liste devait sentir rapidement l’impossibilité de concilier une doctrine où Dieu est l’âme universelle avec une autre doctrine où l’on distingue dans la nature un « Dieu ou Esprit, principe actif et moteur », extérieur à la « Matière, principe actif et mû »[2]. C’est ce choc brusque qui dut lui être révélateur ; il dut reconnaître que mêler des notions aussi contraires n’était qu’une façon d’esquiver la difficulté. Aussi, dès la seconde moitié de 1845, ce fut une question pressante qui se posa à son esprit : qu’est-ce que Dieu ? d’aidant plus pressante que c’était de la réponse à cette question que dépendaient les réponses à toutes

  1. Le Voile d’Isis, vers la fin. Fourier croit à un ordre social préétabli par Dieu, et que les aspirations que Dieu a mises dans l’homme y tendent naturellement : mais la « civilisation » s’y oppose ; nous prétendons résister « aux impulsions de ces ressorts créés par Dieu », nous sommes « en état de rébellion permanente contre lui ». (La fausse industrie, t. II, p. 696, cité par Bourgin, p. 200.)
  2. Théorie de l’Unité universelle, t. II, p. 265. (Bourgin, p. 193.)