Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/68

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les autres qui le tourmentaient : qu’est-ce que le monde ? que suis-je moi-même ? quel est le sort de l’âme ?[1] ce dernier problème qui contient la vie et la mort est lui-même contenu dans le problème de Dieu[2]. Il se retrouve, incertain, inquiet, en face de l’énigme à laquelle plusieurs fois déjà il a cru trouver une solution, et qui reparaît toujours. Toute sa vie, ou plutôt, comme il dit plus religieusement, tout son pèlerinage, n’a été qu’une longue recherche de Dieu, recherche infructueuse, car le voilà livré à toutes les angoisses du doute :


Seigneur, dans tout le cours de mon pèlerinage,
Un désir éternel a consumé mon âge.
Toujours vers votre face et votre sentiment

  1. Le Voile d’Isis (le Pharaon au Thérapeute) :

    Mais la sombre tristesse est au fond de mon cœur :
    Le désir m’a blessé d’un aiguillon vainqueur…
    Sais-tu de ce désir i’irrésistible ardeur ?
    Parle ! qui suis-je ? où vais-je ? Et dans la profondeur
    Des cieux, ardents palais, impalpables abîmes,
    Quel Dieu m’emportera sur des ailes sublimes ?

  2. C’est pourquoi, pendant ces années, il ne dit presque rien de l’immortalité de l’âme. Il parle seulement, dans un pesage obscur de sa lettre du 31 juillet 1846, de « marche au bonheur, ici comme au ciel » ; — comme il vient de parler de l’enfer catholique qui l’indigne, sa pensée doit être celle-ci : il faut croiie à une éternité de bonheur, non de souffrance, comme les catholiques. C’est l’avis de Fourier, qui croit « à la métempsychose aussi fermement qu’aux vérités mathématiques » (Théorie de l’Unité universelle, t. II, p. 137) et promet une vie de délices dans chaque incarnation.