Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/69

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J’ai tendu les deux bras comme un fiévreux amant,
Et je n’ai rien trouvé que le fiel et la lie
Au calice éternel qu’épuisait ma folie[1].

L’éternel désir dont sa vie est faite n’est pas satisfait ; « je meurs de votre faim, Seigneur », tels sont presque les premiers mots de la Recherche de Dieu. Il espère encore, il demande à Dieu de se révéler, car il ne suppose pas qu’il puisse ne pas exisler ; mais bientôt il retombe dans rabattement :


Non, non, vous habitez par delà nos natures.
Et vous ne parlez plus aux pauvres créatures.

Il est vrai que le poème se termine par une intervention de l’esprit de la terre qui, brusquement, impose silence au désespéré : quand l’harmonie sociale, rêvée par le fouriérisme, aura donné aux hommes le bonheur infiui, Dieu se manifestera :


Dieu ! Dieu que tu cherchais, pauvre esprit aveuglé.
Dieu jaillira de tout, et Dieu t’aura parlé[2].

  1. La Recherche de Dieu.
  2. C’est un rêve fouriériste : Voy. Bourgin, p. 289. Dans la
    phalange sociétaire, les hommes « pourront voir le beau passionnel,
    dire qu’ils ont vu Dieu en personne et dans toute sa
    sagesse ; car qu’est-ce que l’esprit, la sagesse de Dieu, sinon
    l’harmonie des douze passions, etc., etc… ?» [Théorie de
    l’unité universelle, t. III, p. 475.] Dieu ou l’unité sociétaire,
    ce sont « des mots synonymes, puisque l’unité ou harmonie
    est le but de Dieu ». [Ibid., p. 208.]