Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/70

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Il est vrai aussi que Leconle de Lisle, ne pouvant se résoudre à vivre dans les « ombres du doute »[1], pendant quelque temps encore, parlera de Dieu souvent : « l’œil de Dieu »[2], « les siècles que Dieu mène »[3], « enfants de Dieu »[4], ces expressions et d’autres semblables[5] se répèlent tant dans les poèmes de la Phalange que dans les nouvelles de la Démocratie pacifique : mais l’ancienne foi est ébranlée pour jamais. Dans Khiron, qui est de 1847, dans Bhagavat encore, on entend l’écho de ses toutes. Khiron met en question la puissance des Dieux connus et rêve des Dieux invisibles, irrévélés[6] ; Angira, dans Bhagavat, avoue qu’il ignore « l’origine, la fin et les formes de l’Être»[7], et le poète, parlant en son propre nom, ajoute : « l’esprit s’ignore soi-même »[8].

  1. La Mélodie incarnée.
  2. Marcie.
  3. Tantale.
  4. Les Épis.
  5. La Mélodie incarnée ; « ce que Dieu a formé de plus parfait » ; Architecture : « ceux à qui Dieu fit le sublime don. »
  6. Poèmes antiques, p. 210 et 211.
  7. Ibid. p. 17 ; cf. le discours d’Angira à la page 12, avec ces vers :

    Mais le doute toujours appesantit ma face,
    Et l’enseignement pur de mon esprit s’efface.

  8. Ibid., p. 14. L’inspiration et le style de ce dernier morceau le feraient croire antérieur au reste du poème, et plutôt contemporain de Khiron.