Page:Encyclopédie méthodique - Arts et métiers mécaniques, T01.djvu/792

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
767
CHA CHA


tage de la conserver, pour n’être pas obligé de consommer dans la saison de la récolte ce qui pouvoit faire la principale provision de l’année. On a pensé même à prévenir les accidens des récoltes futures, en réservant la partie surabondante des récoltes actuelles : on s’est occupé d’abord des moyens de conserver les châtaignes fraîches ou en vert, en les plaçant dans un endroit sec, & en les couvrant de différentes matières qu’on croyoit propres à absorber l’eau qui, dans les premiers temps, transpire à travers leur écorce, & à prévenir le contact de l’air chaud ou humide ; mais outre que le succès de ces tentatives n’a pas été constant chaque année, & ne pouvoit pas d’ailleurs assurer la conservation des châtaignes pour plus de six à sept mois, on a bientôt senti que ces attentions n’étoient pas applicables à une certaine provision de châtaignes. Il a fallu recourir à la dessication par le moyen du feu ; mais il a été nécessaire ensuite de rechercher la meilleure manière d’en tirer parti : en conséquence on a varié beaucoup l’application de la chaleur. Ce fruit a été, par exemple, exposé dans un four échauffé à un certain degré ; mais comme il étoit difficile de fixer en même temps le degré de chaleur convenable, ainsi que le temps du séjour dans le four, on ne retira pas de ces tentatives tous les avantages qu’on s’en promettoit ; on vit au contraire que par ce procédé, la substance farineuse des châtaignes étoit très-souvent altérée, & l’on parvint par ce moyen à reconnoître, ce qui étoit un point important dans ces recherches, que pour sécher, comme il convient, les châtaignes sans les dénaturer, il falloit les exposer à une chaleur graduée ; que c’étoit ainsi que s’en dégageoit d’abord l’eau de végétation qui y restoit, lorsqu’une chaleur trop vive saisissoit brusquement l’écorce. Nous allons donc décrire la méthode qui a été le fruit de cette première vue ; & comme l’administration du feu & la construction du bâtiment où l’on place les châtaignes pour les sécher ont une dépendance nécessaire, je donnerai premièrement une description très-détaillée d’un séchoir, bâti sur les meilleurs principes ; ensuite j’en montrerai l’usage, en indiquant sur-tout les attentions avec lesquelles on doit graduer le feu pour obtenir une parfaite dessication.

Art. I. De la claie ou séchoir.

On se sert, pour sécher les châtaignes, d’un bâtiment carré, qu’on appelle claie dans certaines provinces, & séchoir dans d’autres : on le construit quelquefois en l’appuyant contre quelqu’un des bâtimens du domaine, & l’on cherche même quelque angle entre deux corps de bâtimens : par ce moyen on épargne la construction d’un ou de deux murs ; mais si le feu vient à prendre au séchoir, on court risque de brûler toute la maison : il y a toutes sortes d’avantages à construire ce séchoir isolé, & même de le placer à une certaine distance de tous les autres bâtimens.

La grandeur du séchoir varie suivant la quantité de châtaignes que l’on récolte. On lui donne ordinairement uinze pieds de longueur, sur autant de largeur dans l’intérieur, & sa hauteur est d’environ dix-huit pieds ; avec ces dimensions on peut sécher une bonne provision de châtaignes.

On établit dans l’intérieur du bâtiment, à la hauteur de sept à huit pieds, une espèce de claie ou grille qui porte sur de fortes poutres ; ces poutres sont parallèles entre elles, & éloignées les unes des autres à peu près d’un pied & demi ou de deux pieds. On a soin que ces poutres ou solives soient établies bien de niveau : de l’une à l’autre de ces solives on attache des lattes ou barreaux d’une longueur & d’une largeur égales, & on laisse entre eux une fente ou intervalle d’environ trois ou quatre lignes, ensorte que les châtaignes, posées dessus, ne puissent passer à travers l’ouverture de ces lattes, & tomber dans la partie basse du séchoir. La partie de ces barreaux, qui est clouée sur les solives, est applatie en dessus & en dessous ; mais le reste qui remplit l’intervalle des solives n’est applati que par dessus, le dessous étant arrondi en dos d’âne.

Il résulte de la disposition de ce grillage deux avantages très-importans : le premier, que l’on peut retourner très-aisément toutes les châtaignes pendant que s’opère le séchage, puisque la surface supérieure de la grille est unie ; l’autre, que la fumée pénètre très-aisément à travers les châtaignes & y circule bien également, attendu qu’elle ne trouve aucun obstacle qui l’arrête dans sa marche : les barreaux, arrondis par dessous, la déterminent à s’insinuer dans les intervalles ; enfin, on peut aisément nettoyer ces claies par dessous, en enlevant la suie qui s’y attache pendant le temps que dure un séchage.

Il me paroit que dans certaines provinces on a négligé de se procurer ces avantages, en construisant grossièrement le grillage avec des branches ou gaules de châtaigniers, entrelacées sans aucune régularité. Les châtaignes, engagées dans ces branches, ne peuvent se retourner aisément ; & d’ailleurs la fumée y pénétrant par les issues que ces branches offrent dans tous les sens, y dépose de la suie qu’on ne peut détacher à mesure.

En construisant la grille telle que nous l’avons décrite, on a soin de laisser à l’un de ses angles la place d’une claie mobile qu’on lève lorsqu’on veut faire tomber les châtaignes, après qu’elles sont bien séchées, dans la partie inférieure du séchoir, pour les dépouiller de leur peau, comme nous l’expliquerons par la suite.

Pour entrer dans la partie inférieure du séchoir, on pratique une porte dans l’un des quatre côtés, & vis-à-vis la porte une petite ouverture au niveau du sol : on donne à cette dernière ouverture, à peu près un pied de hauteur, sur un demi-pied de largeur ; elle sert, sans qu’on soit obligé d’entrer dans le séchoir, à diriger le feu & à lui donner une certaine activité, en fournissant un courant d’air. Enfin, elle procure du jour dans le rez-de-chaussée du séchoir, où l’on ne fait d’ailleurs aucune autre ouverture.