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COULEURS ET VERNIS.
( Art de préparer les )

Nous n’avons d’autre objet dans cet article que de rapporter les meilleurs procédés pour obtenir & compoſer les couleurs et les vernis employés dans la peinture.


Des Couleurs.


L’origine & la cauſe primitive des couleurs ſont du reſſort du physicien ; cette ſublime théorie et ces ſavantes recherches trouveront place dans une autre diviſion de cet ouvrage.

Bornons-nous dans ce dictionnaire des Arts, à ce que la pratique nous enſeigne à cet égard M. Watin, peintre, doreur, vernisseur, & marchand de couleurs, dorures & vernis, a publié ſur ſon art un excellent Traité que nous devons principalement conſulter ; il nous servira de guide dans la plus grande partie de ce que nous allons dire, et donnera en même temps aux artiſtes etaux amateurs le désir de recourir, dans l’occasion, à lui-même & à ſon ouvrage.

Nous ne traiterons dans cet article que des couleurs & des vernis en général, nous réſervant de parler de leur application, et de la manière de les employer, à l’article de l’Art du Peintre en bátimens, ainsi que de la dorure à l’Art du Doreur. Mais avant que d’entrer dans les détails des couleurs, nous ferons deux observations d’après M. Macquer dans son Dictionnaire de Chimie.

1°. C’eſt un principe que la couleur d’aucun corps ne peut être ſenſible, à moins qu’elle n’ait un certain degré d’intenſité ; d’où il ſuit que certains corps qui, dans leur état de compacité ont une couleur très-belle et très-marquée, la perdent par la division qui diminue leur intenſité. Auſſi voit-on que le marbre noir, le corail rouge, le ſoufre, et beaucoup d’autres substances qui ont une couleur très-marquée étant en masse, perdent, cette couleur à proportion qu’on les broie en parties plus fines, en ſorte qu’elles deviennent presque blanches quand la division est portée assez loin. Ainsi c’est dans ce dernier état de division qu’il faut considérer les matières colorantes avant de les employer.

2°. Inexpérience prouve que la couleur verte des plantes s’altère facilement et même ſe change en un fauve brun par une eſpèce de fermentation qui survient aux plantes après qu’elles ont été cueillies, à moins qu’on ne prévienne cette fermentation par une deſſication très-prompte ; on doit, auſſi observer que quoique la couleur verte ſe change et diſparoiſſe même alors totalement, elle n’est pourtant point détruite pour cela, & qu’on peut par le moyen de menſtrues, séparer et extraire la partie verte des plantes sèches qui n’ont plus la moindre (apparence de verd.

Observons encore d’après les physiciens, que les couleurs viennent de grande partie des métaux, soit en nature, soit dans leur mélange.

Le fer diſſous fournit le jaune, l’orangé, le rouge, le violet, le bleu, le noir.

Le cuivre diſſous, colorie les objets en bleu, en verd, en noir.

L’or donne le pourpre.

Le plomb, diſſous ou calciné, fournit le blanc, le gris, le minium, la litharge d’or, la lirharge d’argent & le noir.

L’étain ſert à donner à l’écarlate une partie de ſa beauté.

Le cobalt donne à l’émail une couleur bleue.

Le mercure & l’antimoine forment la couleur rouge du cinabre. &c. C’est ce que nous verrons plus particulièrement dans les faïences, les émaux, les porcelaines, &c.

On ſuivra l’ordre alphabétique dans la division des couleurs dont il va être question.

Acier ( couleurs d’). On emploie la couleur d’acier pour les ferrures. Voici ſa compoſition : broyez du blanc de céruse, de la laque fine, du verd-de-cris criſtaliſſé, du bleu de Pruſſe, ſéparément, à l’eſſence ; plus ou moins de chacune de ces couleurs, mêlées avec le blanc, donne le ton de l’acier. Quand il est tel qu’on le désire, on en prend gros, comme une noix, qu’on détrempe dans un petit pot avec un quart d’essence, et trois-quarts de vernis gras blanc ; on nettoie bien les ferrures ; on les peint avec cette couleur, en laiſſant la distance de deux ou trois heures entre chaque couche. Après cette opération, on met une couche de vernis gras pur.

On peut faire auſſi la couleur acier avec du blanc de céruſe, du noir de charbon & du bleu de Prusse, broyés ensemble, à l’huile graſſe, et qu’on emploie à l’essence. Cette composition est moins coûteuse, mais non pas auſſi belle que la première.

Ardoise ( couleur d’). Pour faire cette couleur, on prend du blanc de céruſe et du noir d’Allemagne, tous deux broyés à l’huile de lin ; on les mêle & on les détrempe enſemble dans la même huile. Ce mélange forme un gris d’ardoiſe dont on abreuve d’abord les tuiles ; on leur donne enſuite trois autres ; couches plus fortes.

Argenture. Pour appliquer cette couleur, on a ſoin que l’ouvrage, ſoit bien apprêté, adouci & réparé ; ensuite on dorme une couche de beau blanc de plomb broyé bien fin à l’eau, & détrempé à la colle ; on détrempe ce même blanc de plomb avec la colle plus faible ; on en met deux nouvelles couches sur l’ouvrage argenté avec de l’argent en feuilles & on brunit les parties ; & quand le tout est bien ſec,


Arts & Métiers. Tome II. Partie I.