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doivent être exempts de toutes charges personnelles auxquelles des habitans riches & nécessaires dans leur emploi ne doivent pas être assujettis, de crainte qu’ils n’emportent dans les villes les richesses qu’ils emploient à l’agriculture ; pour y jouir des prérogatives qu’un gouvernement peu éclairé y accorderoit par prédilection au mercenaire citadin. Les bourgeois aisés, sur-tout les marchands détailleurs, qui ne gagnent que sur le public, & dont le trop grand nombre dans les villes est onéreux à la nation, ces bourgeois, dis-je, trouveroient pour leurs enfans dans l’agriculture protégée & honorée, des établissemens plus solides & moins serviles que dans les villes ; leurs richesses ramenées à la campagne fertiliseroient les terres, multiplieroient les richesses, & assureroient la prospérité & la puissance de l’état.

Il y a une remarque à faire sur les nobles qui cultivent leurs biens à la campagne ; il y en a beaucoup qui n’ont pas en propriété un terrein suffisant pour l’emploi de leurs charrues ou de leurs facultés, & alors il y a de la perte sur leurs dépenses & sur leurs emplois. Seroit-ce déparer la noblesse que de leur permettre d’affermer des terres pour étendre leur culture & leurs occupations au profit de l’état, sur-tout dans un pays où la charge de l’impôt (devenue déshonnête) ne scroit plus établie ni sur les personnes, ni sur les cultivateurs ? Est-il indécent à un duc & pair de louer un hôtel dans une ville ? Le payement d’un fermage n’assujettit à aucune dépendance envers qui que ce soit, pas plus que le payement d’un habit, d’une rente, d’un loyer, &c. mais de plus on doit remarquer dans l’agriculture, que le possesseur de la terre S& le possesseur des avances de la culture sont tous deux également propriétaires, & qu’à cet égard la dignité est égale de part & d’autre. Les nobles, en étendant leurs entreprises de culture, contribueroient par cet emploi à la prospérité de l’état, & ils y trouveroient des ressources pour soutenir leurs dépenses & celles de leurs enfans dans l’état militaire. De tout temps la noblesse & l’agriculture ont été réunies. Chez les nations libres, le fermage des terres, délivré des impositions arbitraires & personnelles, est fort indifférent en lui-même : les redevances attachées aux biens & auxquelles les nobles mêmes sont assujettis, ont-elles jamais dégradé la noblesse ni l’agriculture ?


XV.

Que les terres employées à la culture des grains soient réunies, autant qu’il est possible, en grandes fermes exploitées par de riches laboureurs ; car il y a moins de dépense pour l’entretien & la réparation des bâtimens, & à proportion beaucoup moins de frais, & beaucoup plus de produit net dans les grandes entreprises d’agriculture, que dans les petites. La multiplicité de petits fermiers est préjudiciable à la population. La population la plus assurée, la plus disponible pour les différentes occupations & pour les différens travaux qui partagent les hommes en différentes classes, est celle qui est entretenue par le produit net. Toute épargne faite à profit dans les travaux qui peuvent s’exécuter par le moyen des animaux, des machines, des rivières, &c revient à l’avantage de la population & de l’état, parce que plus de produit net procure plus de gain aux hommes pour d’autres scrvices ou d’autres travaux.

XVI.

Que l’on n’empêche point le commerce extérieur des denrées du crû ; car tel est le débit, telle est la réproduction.



NOTE.
( Tel est le débit, telle est la réproduction.)

Si on arrête le commerce extérieur des grains & des autres productions du crû, on borne l’agriculture à l’état de la population, au lieu d’étendre la population par l’agriculrure. La vente des productions du crû à l’étranger augmente le revenu des biens fonds ; cette augmentation du revenu augmente la dépense des propriétaires ; cette augmentation de dépenses attire les hommes dans le royaume ; cette augmentation de population augmente la consommation des productions du crû ; cette augmentation de consommation & la vente à l’étranger accélèrent de part & d’autre les progrès de l’agriculture, de la population & des revenus.

Par la liberté & la facilité du commerce extérieur d’exportation & d’importation, les grains ont constamment un prix plus égal, car le prix le plus égal est celui qui a cours entre les nations commerçantes. Ce commerce applanit en tout temps l’inégalité annuelle des récoltes des nations, en apportant tour à tour chez celles qui sont dans la pénurie le superflu de celles qui sont dans l’abondance, ce qui remet par-tout & toujours les productions & les prix à-peu-près au même niveau. C’est pourquoi les nations commerçantes, qui n’ont pas de terres à ensemencer, ont leur pain aussi assuré que celles qui cultivent de grands territoires. Le moindre avantage sur le prix dans un pays, y attire la marchandise, & l’égalité se rétablit continuellement.

Or il est démontré qu’indépendamment du débit à l’étranger, & d’un plus haut prix, la seule égalité constante du prix augmente de plus d’un dixième Ie revenu des terres ; qu’elle accroît & assure les avances de la culture ; qu’elle évite les chertés excessives qui diminuent la population ; & qu’elle empêche les non-valeurs qui font languir l’agriculture. Au lieu que l’interdiction du commerce extérieur est cause que l’on manque souvent du nécessaire ; que la culture qui est trop mesurée aux besoins de la nation, fait varier les prix autant que les bonnes & mauvaises années font varier les