En procédant comme l’enfant dans ses premières acquisitions, comme l’artisan dans ses plus grossiers travaux, on s’est trouvé dans la vraie Philosophie.
Ainsi cette science, en se perfectionnant, a moins acquis des richesses que de la rectitude. Elle s’applique au fond de l’homme & de la nature ; mais il ne nous est presque rien donné de connoître dans ces abîmes : nous ne connoissons rien de la nature & de nous-mêmes que dans les rapports qui l’unissent à nous, & nous à elle. La perfection de cette science est de ne pas sortir de ses bornes ; elle peut, par la lumière qu’elle répand dans les autres sciences, raprocher plus d’objets de nos regards ; elle les agrandit, sans pouvoir s’étendre elle-même. Comme la Logique, dont elle est la source, elle est pour notre esprit le meilleur des instrumens & la moindre des possessions.
Ne confondons plus des choses qui sont devenues si différentes. L’ancienne Métaphysique, perdue dans de vagues abstractions, mettant des mots à la place des choses, portant dans tout l’affirmation & la dispute, marchant sans observation sur les faits, sans conviction dans les idées, ne pouvoit avoir que de l’obscurité & de la présomption. La nouvelle s’attache à ne rien sur-ajouter aux objets, mais à les démêler pour les bien connoître & les bien lier ; à éclaircir toutes les notions pour en simplifier les signes ; à aider la vérité à sortir des nuages qui la voilent ; à instruire notre esprit à la reconnoître, à la saisir, à la féconder. L’ancienne Métaphysique, détruisant dans notre esprit les procédés naturels, écartoit nos raisonnemens de la justesse, comme nos recherches de la vérité ; elle changeoit la pénétration en subtilité, l’audace en folie, la constance en opiniâtreté ; elle corrompoit toute notre raison par un certain goût d’obscurité, par une habitude du faux qui lui étoient nécessaires. La nouvelle, ramenée à l’observation de la nature & au perfectionnement de l’instinct, fait contracter à notre esprit un heureux besoin de netteté, de justesse, de sagesse ; elle n’ajoute à sa force, à son étendue que par un plus grand ordre dans ses connoissances, un art plus simple, plus sûr & plus prompt dans ses opérations. Elle n’est enfin que le génie des hommes supérieurs réduit en art, autant que cela se peut.
La Métaphysique & la Logique, par les objets dont elles s’occupent maintenant & la manière dont on les traite, sont des connoissances usuelles, faciles, propres à tous les états, à tous les âges. On pourroit les définir l’art de se saisir des sujets qu’on examine, & d’y conduire son esprit. L’usage d’un tel art tient essentiellement à ces dons de la nature, qui composent