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l’idée qui le représente, soit par son impression sur les organnes des sens, soit par le moyen de laTeflexion sur ce que nous scnrons en nous — mêmes ; la nature fournit individuellement la cause vraie dé chacune de ces idées. L’abstraction physique ne s’exerce donc que sur les idées des individus, & dans chaque individu elle n’y distingue & n’en sépare que les idées dont les objets y sont réellement. Ainsi, dans le cas supposé, l’objet que je considère, & dont par l’abstraction je sépare les idées partielles, est uniquement ce globe blanc & tombant, & non un autre ; c’est fa couleur, fa figure, son mouvement, & non la couleur, la figure ou le mouvement d’un autre : or cette couleur blanche, cette figure sphérique, ce mouvement de chute, sont des choses réelles ; les causes des idées que j’en ai, existent effectivement dans cet individu indépendamment de tout autre être ; c’est dans l’état naturel des choses, &non dans mon imagination, que j’en puise les idées : & c’est par cette raison que je donne à cette opération de l’efprit le nom d’abstraction physique.

Nous observerons ici, par rapport au langage, que l’on dit faire abstraction, non pasde l’idée que l’on sépare pour la considérer seule, mais de celles dont on la sépare, & que l’on ne considère point.

C’est à [’abstration physique que nous devons toutes nos idées distinctes ; sans elles nous n’en aurions que de confuses, nous ne nous élèverions pas au — dessus des notions de la brute qui, selon les apparences, bornée à distinguer un individu d’un autre, est comme le pense M. Locke, incapable de décomposer & d’abstraire les idées. C’est Í>eut-être à ce défaut que tant de gens doivent eur stupidité, leur manque de mémoire, leur incapacité ; ils ne distinguent rien dans l’idée composée d’un individu, ou s’ils y apperçoivent divers objets d’idées différentes, comme la figure, la couleur, le mouvement, c’est d’une manière trèsimparfaite, sans les distinguer réellement l’une de l’autre, sans les abstraire, & sans avoir jamais de chacune des idées claires & séparées.

Du défaut d’abstraction physique doit naître aussi îe manque de mots pour exprimer les idées abstraites de substance, de mode, de relation, que l’on peut distinguer dans l’idée totale de chaque individu : je ne puis pas donner des noms propres à des idées que je ne distingue pas les unes des autres. De-là sans doute la pauvreté de la langue des nations sauvages& ignorantes ; la richesse au contraire des langues que parlent les gens savans, naîtra de la cause opposée. Lorsqu’en décomposant une idée totale, je découvre clairement différens objets d’idées distinctes que j’abstrais les unes des autres, & dont je me fais un concept à part, chacune de ces idées claires est une richesse nouvelle ajoutée à mes connoissances, & son nom un nouveau mot dont ma langue s’enrichit. C’est pour avoir abs-


trait l’idée de la figure du globe tombant ; qucj.ai acquis l’idée & le nem de la figure sphérique.

C’est enfin à cette opération de l’efprit que nous devons le pouvoir de définir, de décrire & d’analyser ; puisque ces actes consistent dans l’énumération exacte des idées claires que l’on distingue dans l’idée totale du sujet que l’on veut faire connoître distinctement,.&que l’on ena abstraite.

Quelque avantage que l’efprit humain retire de l’usage de [’abstraction physique, pour perfectionner les idées & les rendre plus distinctes, on peut cependant en abuser, & de l’abus qu’on en fait naissent nombre d’erreurs dans les sciences. Cet abus consiste à donner à ces idées abstraites une réalité, une existence à part qu’elles n’ont points & à les considérer en conséquence séparément de l’individu dans, & par.Iequel, chacun des objets de ces idées existent. On le fait l’idée abstraite de la matière ou de la substance d’un individu, sans penser à ses modes & : à ses relations ; & en se^ forme bientôt je ne fais quelle idée obscure d’une substance dépouillée de toute manière d’être & de toute relation ; en même — temps on se forme l’idée toute aussi obscure de ces modes & de ces relations, comme de quelque 1chose qui existoit à part sans la substance, & qui va s’y joindre pour que cette substance devienne un tel individu ; ne considérant pas que nulle substance n’existe ni ne peut exister sans quelque manière d’être & sans quelque relation ; & que les modes & les relations, sont, non des substances, mais la manière dont existent les substances, soit en elles — mêmes, soie par rapport aux autres substances.

D’un autre côté, faisant attention aux diverses idées qui sont excitées dans notre esprit, soit par la réflexion qui s’exerce sur ce que noús sencans audedans de nous, soit par la sensation que npus fait éprouver un être dont nous sentons les effets, nous avons supposé autant d’êtres différens dans un individu que nous avons eu par lui d’idées différentes ; chacun de ses modes s’est offert à nous, siu> tout depuis que nous avons donné un nom à chacune des idées qu’ils nous ont fait naître, comíme un être séparé, réel & indépendant ; & par une suite de cette erreur, nous avons fait souvent de l’être le phw simple un être composé de plusieurs êtres. Ainsi l’abus de [’abstraction a dû conduire au pelythéisme. Ainsi l’abus des distinctions que la théologie introduit dans les attributs de Dieu, pour soulager l’efprit humain, produiroit à-peuprçs le même effet dans l’opinion d’un homme trop simple & tropí borné, qui considéreroit la miséricorde, la justice, la sainteté, la bonté, la sagesse dans Dieu & fa volonté, comme autant d’êtres distincts, agissantséparément & indépendamment l’un de l’autre, qui quelquefois même sont en opposition, pourne ças dire en contradiction.Dieu ne scroit un plus seul être i mais un composé de divers êtres qui ont un département séparé & distinct. Il en est de raeme par rapport à notre ame ; « Je crains dit