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éclatant que l’arc-en-ciel. M. de Flaugergnes dit ne l’avoir jamais vu, quoiqu’il ait été ſe promener cent & cent fois dans cette intention, & qu’il en ait vu ſouvent quelque apparence. Il n’y a guère que le P. Pardies, jéſuite, qui s’étant trouvé apparemment dans des circonſtances heureuses, ait vu cet aſtre terreſtre bien marqué & avec des couleurs vives. (Journal des ſavans, du 7 février 1667.)

Au reſte, quoique l’arc-en-ciel paroiſſe quelquefois avant qu’il pleuve & après qu’il a ceſſé de pleuvoir, ce n’eſt que relativement à l’eſpace où ſe trouve le ſpectateur ; car il eſt de fait qu’il pleut toujours dans l’endroit où paroît un arc-en-ciel.

6o. D’après la théorie newtonienne de l’arc-en-ciel, les arcs viſibles de ce phénomène doivent être ſeulement au nombre de deux & concentriques. Comment donc expliquer, ſuivant cette théorie, pourquoi ces arcs paroiſſent quelquefois au nombre de trois ou de quatre, & que dans ce cas il y en a toujours quelqu’un d’excentrique, & même quelquefois fort éloigné des autres ?

On doit diſtinguer deux eſpèces d’arcs-en-ciel excentriques, ceux qui ont leurs centres dans le plan vertical qui paſſe par la ligne d’aſpect, c’eſt-à-dire, dans le même plan vertical où ſe trouve le centre des deux arcs-en-ciel ordinaires, & ceux dont le centre eſt hors de ce plan. De la première eſpèce eſt celui que M. Halley obſerva en 1698 à Cheſter : ce grand aſtronome vit trois arcs-en-ciel en même temps, dont deux étoient les mêmes que l’arc-en-ciel intérieur & extérieur qui paroiſſent ordinairement ; le troiſième étoit preſque auſſi vif que le ſecond, & ſes couleurs étoient arrangées comme celles du premier arc ; ſes deux jambes repoſoient à terre au même endroit où repoſoient celles du premier arc-en-ciel, & il coupoit en haut le troiſième arc-en-ciel, diviſant cet arc à-peu-près en trois parties égales. D’abord, on ne voyoit pas la partie de cet arc qui étoit à gauche, mais elle parut enſuite fort éclatante. Les points où cet arc coupoit l’arc extérieur, parurent enſuite ſe rapprocher ; & bientôt la partie ſupérieure du troiſième arc-en-ciel ſe confondit avec l’arc-en-ciel extérieur ; alors l’arc-en-ciel extérieur perdit ſa couleur en cet endroit, comme cela arrive lorſque les couleurs ſe confondent & tombent les unes ſur les autres ; mais aux endroits où les deux couleurs rouges tombèrent l’une ſur l’autre, la couleur rouge parut avec plus d’éclat que celle du premier arc-en-ciel. M. Sanguerd a vu, en 1685, un ſemblable arc-en-ciel dont il fait mention dans ſa phyſique ; & un pareil phénomène fut obſervé par M. Celſius, en Dalécartie, province de Suède, le 8 août 1743, vers les 6 à 7 heures du ſoir. On trouve encore dans le journal des ſavans, en 1666, une obſervation pareille, faite par M. Etienne, chanoine de Chartres.

Vitellion dit avoir vu à Padoue, quatre arcs-en-ciel en même-temps.

M. Langwith a vu en Angleterre un arc-en-ciel ſolaire avec ſes couleurs ordinaires ; & ſous ce premier arc-en-ciel on en voyoit un autre, dans lequel il y avoit tant de vert, qu’on ne pouvoit diſtinguer ni le jaune ni le bleu. Dans un autre temps il parut encore un arc-en-ciel avec les couleurs ordinaires, au-deſſus duquel on remarquoit un arc bleu, d’un jaune claire en haut, & d’un vert foncé en bas : on voyoit de temps en temps au-deſſous, deux arcs de pourpre rouge, & deux de pourpre tirant ſur le vert. Le plus bas de tous ces arcs étoit de couleur de pourpre, mais fort foible ; & il paroiſſoit & diſparoiſſoit à différentes repriſes.

Ces arcs, dont le centre eſt différent de celui des deux arcs-en-ciel, mais cependant placé dans le même plan vertical où ſe trouve le centre des deux arcs-en-ciel ordinaires, l’œil du ſpectateur & le centre du ſoleil, ſont produits par les rayons du ſoleil, réfléchis par quelque rivière ou par quelque lac qui ſe trouve derrière le ſpectateur, entre ce ſpectateur & le ſoleil. C’eſt M. Halley qui, le premier, a découvert cette cauſe des arcs-en-ciel excentriques de la première eſpèce, à l’occaſion du phénomène dont on vient de donner la deſcription d’après lui. Il remarqua qu’il y avoit entre le ſoleil & lui, la rivière de Dée, qui coule à Cheſter ; & que les rayons de cet aſtre, réfléchis par la ſurface de l’eau, produiſoient le troisième arc-en-ciel. Pour comprendre comment cet effet peut arriver. Soit S (fig. 431) le ſoleil, O un ſpectateur qui regarde à l’oppoſite de cet aſtre, un eſpace où il pleut actuellement, & qui eſt éclairé de ces rayons. Ce ſpectateur verra, comme il a été dit, deux arcs-en-ciel Α B C D, dont le centre ſera en E dans la ligne d’aſpect S O. Mais s’il ſe trouve entre le ſpectateur O & le ſoleil S, quelque lac dont la ſurface ſoit aſſez unie pour pouvoir réfléchir les rayons du ſoleil dans le même ordre qu’ils ont lors de leur incidence, ces rayons réfléchis tomberont ſur les gouttes de pluie, de la même manière que s’ils venoient d’un ſecond ſoleil S ; par conſéquent, ces rayons produiront pour le ſpectateur O, l’apparence d’un troiſième arc-en-ciel F G H, & même d’un quatrième, ſi la quantité de rayons réfléchis par la ſurface de l’eau, eſt aſſez conſidérable pour que ceux qui arrivent à l’œil, après deux réflexions conſécutives au-dedans des gouttes de pluie, ſoient encore en nombre ſuffisant pour pouvoir faire une impreſſion ſensible ſur cet organe, ce qui doit arriver très-rarement. Or, l’angle de réflexion O I K étant égal à l’angle d’incidence S I L, & les deux angles O I K, S, I L étant égaux, puiſqu’ils ſont oppoſés au ſommet, l’angle S I L eſt égal à l’angle S, I L : de ſorte que le troiſième arc-en-ciel F G H doit avoir exactement la même apparence que s’il étoit produit par les rayons d’un ſecond ſoleil S, qui fût autant abaiſſé au-deſſus de l’horiſon que le vrai ſoleil S eſt élevé au-deſſus ; d’où il s’enſuit que le centre M de ce troiſième arc doit être ſitué au-deſſus du centre E des deux premiers arcs, & dans