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Un phénomène aſſez ſingulier du miroir ardent de Tſchirnhauſen, & probablement de tous les miroirs ardens, c’eſt que le miroir ardent a moins d’efficace dans les grandes chaleurs que dans les chaleurs ordinaires. Il n’avoit preſque aucune force dans le chaud extrême de 1705, & quelquefois à peine a-t-il huit jours pleinement favorables dans tout un été. Peut-être les exhalaiſons qui s’élèvent abondamment de la terre dans les grandes chaleurs, & qui cauſent dans la lumière ce tremblement & ces eſpèces d’ondulations qu’on y remarque de temps en temps, interceptent une grande partie des rayons, & les empêchent de tomber ſur le miroir, enveloppent les rayons qui traverſent le miroir, vont ſe réunir dans le foyer, & leur ôtent leur extrême ſubtilité néceſſaire pour pénétrer un corps dur. Cet excès d’affoibliſſement ſurpaſſe l’excès de force qui peut venir des grandes chaleurs. Cette conjecture eſt confirmée par deux obſervations de M. Homberg. Dans des chaleurs même ordinaires, lorſque le temps a été ſerein pluſieurs jours de ſuite, l’effet du miroir n’eſt pas ſi grand que quand le ſoleil ſe découvre immédiatement après une grande pluie. Pourquoi ? c’eſt que la pluie précipite les exhalaiſons. Ainſi, mettez entre le miroir & le foyer un réchaut plein de charbon allumé, ſous les rayons qui vont du miroir au foyer, & vous verrez que l’efficace des rayons ſera conſidérablement affoiblie. Où s’affoiblit-elle, ſinon en traverſant les exhalaiſons qui s’élèvent du charbon ? Nous avons tiré cette dernière remarque de M. Formey.

Traberus a enſeigné comment on faiſoit un miroir ardent avec des feuilles d’or ; ſavoir, en faiſant tourner un miroir de bois concave, & enduiſant également les côtés intérieurs avec de la poix, on couvre enſuite la ſurface concave du miroir avec des feuilles d’or taillées en carré de deux ou trois doigts de large. Il ajoute qu’on peut faire de très-grands miroirs avec 30, 40, ou un plus grand nombre de morceaux carrés de verre, qui ſeront joints & arrangés les uns auprès des autres dans une écuelle de bois. Les effets de ces miroirs, ſelon cet auteur, ſeront auſſi grands que ſi la ſurface étoit parfaitement ſphérique. Ibid. Voyez Miroir.

On ſait la propriété qu’a la parabole de réfléchir à ſon foyer tous les rayons qui tombent ſur ſa concavité, parallèlement à ſon axe ; d’où il s’ensuit que ſi d’un ſolide parabolique creux on retranche la portion qui contient le foyer, les rayons du ſoleil tombant ſur ce ſolide parabolique, parallèlement à l’axe, ſe réuniront à ſon foyer : ce qui donne un moyen facile d’avoir un miroir brûlant dont le foyer ſoit derrière lui à une diſtance donnée. Voyez Parabole.

De plus, comme tous les rayons qui partent du foyer d’une parabole, ſe réfléchiſſent parallèlement à l’axe, & que ce paralléliſme s’étend à l’infini, il s’enſuit que ſi on plaçoit une ſeconde parabole à une diſtance infinie de la première, de manière ſeulement que leur axe fût le même, les rayons réfléchis par la première parallèlement à l’axe, iroient, après avoir frappé la ſeconde, s’aſſembler tous à ſon foyer ; deſorte qu’étant partis d’un point, ils ſe réuniroient dans un autre point infiniment éloigné.

Donc ſi le foyer de la première parabole étoit occupé par un corps bien chaud, comme par un charbon enflammé, toute ſa chaleur ſe feroit ſentir au foyer de la ſeconde parabole, quoiqu’infiniment diſtant. Voilà le pur géométrique ; mais il eſt certain que le phyſique doit en rabattre beaucoup, & même infiniment, & que des rayons ne s’étendroient pas à l’infini dans l’air, ni même dans aucun milieu, ſans perdre abſolument leur force & lëur chaleur. On n’aura donc un effet ſensible qu’en plaçant les paraboles à quelque diſtance ; & M. Dufay a trouvé que l’expérience réuſſiſſoit en plaçant ainſi deux miroirs paraboliques à 18 pieds de diſtance.

Il ſubſtitua aux miroirs paraboliques deux miroirs ſphériques, l’un de 20 pouces de diamètre, l’autre de 17, & trouva qu’ils brûloient éloignés l’un de l’autre de 50 pieds, c’eſt-à-dire, trois fois plus que les paraboliques.

On peut conjecturer que cette grande ſupériorité des miroirs ſphériques sur les paraboliques, vient d’un endroit qui paroît déſavantageux pour les ſphériques. Ces derniers n’ont pas, comme les paraboliques, un foyer exact qui ne ſoit qu’un point ; mais auſſi le charbon qu’on met au foyer, n’eſt pas un point. Si ce foyer eſt celui du miroir parabolique, tous les rayons qui ne ſont pas partis du seul point du charbon placé au foyer, ne ſe réfléchiſſent point parallèlement à l’axe, ne tombent point ſous cette direction sur l’autre miroir, & par conſéquent n’étant pas bien réunis à ſon foyer, ils brûlent peu ; ou, ce qui revient au même, les deux miroirs ont beſoin pour brûler d’être peu éloignés. Mais ſi le foyer où eſt le charbon, eſt celui d’un miroir ſphérique, l’eſpace qu’occupe le charbon peut être en grande partie le même que le foyer du miroir : or tout ce qui part de ce foyer ſe réfléchit exactement parallèle.

Les miroirs paraboliques ayant fait un certain effet à une diſtance de 18 pieds, M. Dufay a trouvé que ſi on interpoſoit enſuite une glace plane des deux côtés, il falloit les rapprocher de dix pieds ; ce qui marque une grande perte ou un grand affoibliſſement de rayons cauſé par la glace : ſon épaiſſeur augmente très-peu cet effet ; & par conſéquent il vient beaucoup plus de rayons réfléchis à la rencontre de la glace ; que de leur affoibliſſement par le paſſage à travers ſon épaiſſeur.