Page:Encyclopédie méthodique - Physique, T1.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

abondance, & a plus de force & d’énergie ; la force tangentielle ou centrifuge y étant beaucoup moindre.

Ce brillant ſpectacle nous paroîtra fort proche de la terre, quoique le ſiége en ſoit très-éloigné ; la raiſon en eſt que, ne pouvant connoître la diſtance des objets placés à une grande diſtance que par les objets intermédiaires, les angles optiques étant nuls dans ces ſortes d’occaſions, nous jugeons que cet appareil lumineux eſt dans la moyenne région de l’air, parce que nous ne découvrons aucun objet viſible dans l’intervalle qui nous sépare du lieu de la ſcène, placé à des diſtances très-grandes de la ſurface de la terre, comme il conſte par le calcul & la trigonométrie.

Pluſieurs aurores boréales ont été vues par des obſervateurs placés en différentes villes très-éloignées, & conſéquemment ont eu une parallaxe très ſenſible ; par exemple, l’aurore boréale du 12 ſeptembre 1621, obſervée par Gaſſendi, en Provence ; par Bouillaud, à Loudun ; par Galilée, à Veniſe ; & par d’autres, à Alep en Syrie ; celle du 17 mars 1716 dans les parties méridionales, & dans les contrées ſeptentrionales de l’Europe ; celle ſur-tout du 19 octobre 1726, qui parut à Pétersbourg, Varſovie, Rome, Lisbonne, &c. ; or, de cette parallaxe très-ſenſible qui nous repréſente l’aurore boréale à différentes élévations, on conclut que la hauteur de ce phénomène eſt au moins, dans certains cas, à 266 lieues de diſtance, les élémens du calcul mis ſur le plus bas pied ; dans d’autres, à plus de 300 lieues d’élévation, même ſelon différentes méthodes. On peut conſulter, ſur cet objet, l’ouvrage de l’illustre M. de Mairan. M. Euler, ce grand géomètre, place le ſiége de l’aurore boréale à une diſtance encore bien plus grande : voyez les Mémoires de Berlin ; il eſt difficile de ſe refuſer aux preuves que le calcul trigonométrique fournit à ces ſavans du premier ordre.

Si à toutes les preuves que je viens de donner, on ajoute les inductions qu’il eſt permis de tirer de l’augmentation de l’électricité artificielle, dans les temps des aurores boréales, les étincelles électriques qu’on obtient des pointes iſolées en l’air, & les obſervations des feux volans ou étoiles tombantes, eſpèces de phénomènes électriques que j’ai eu occaſion de remarquer, & notamment pendant l’apparition de la belle aurore boréale du 3 décembre 1777, dont j’ai donné une deſcription très circonſtanciée, on aura, je crois, le dernier degré de vraiſemblance qu’il ſoit permis d’atteindre.

Dans l’aurore boréale du 20 février 1780, que j’obſervai à Béziers, depuis ſix heures & quart environ, juſqu’à neuf heures & quart, la machine électrique fut plus forte, & donna de meilleures étincelles que pluſieurs heures avant l’apparition de ce phénomène, quoique le vent fût le même ; & ces étincelles me ſemblèrent encore plus vives vers le milieu, & principalement vers la fin de ce phénomène ; j’éprouvai auſſi la force de l’électrophore, qui me parut plus grande. Les phoſphores électriques, animés par l’électricité artificielle, devinrent plus brillans que dans les autres circonſtances. Le baromètre étoit à 28 pouces une ligne de hauteur, & le thermomètre de Réaumur à ſept degrés & demi au deſſus de la congélation. Je vis encore dans le ciel ces feux volans qu’on nomme étoiles errantes.

Pendant l’apparition de l’aurore boréale du 15 février 1781, ſur les 8 heures & demie du ſoir, je remarquai encore que l’électricité de la machine électrique fut plus forte, ainſi que celle des électrophores & des phoſphores électriques ou tubes vuides d’air.

Pluſieurs autres phyſiciens, & entr’autres MM. Canton & Volta en ont également aperçu qui étoient plus forts qu’à l’ordinaire. Ce dernier s’exprime ainſi : « j’en doutois très-fort moi-même ; mais aujourd’hui je regarde la choſe comme certaine, & je puis dire l’avoir vue & touchée, pour ainſi dire, avec la main. Dans cette belle aurore qui parut la nuit du 28 au 29 juillet de l’année 1780, au moment où s’élevant peu à peu de l’horiſon, elle parvint au zénith, entre les 4 & 5 heures d’Italie, répandant de toutes parts une lumière rougeâtre dans un ciel ſerein, & d’ailleurs venteux ; on obtint d’un conducteur atmoſphérique ordinaire, à l’aide de mon condenſateur, pluſieurs belles petites étincelles claires & pétillantes ; au lieu que dans les autres temps ſereins, à quelque heure que ce ſoit du jour ou de la nuit, le conducteur, même en y joignant le condensateur, ne donne pas des étincelles, ou il n’en donne qu’une très-petite, les ſignes d’électricité le réduiſant le plus ſouvent à la petite agitation d’un pendule très légere. Ce n’eſt pas moi qui fit l’obſervation dans la nuit éclairée par la belle aurore boréale, dont je viens de parler ; mais un Chanoine de mes amis, M. Gattoni, avec qui je fais ſouvent des expériences, & qui a chez lui le conducteur dont j’ai fait mention. » Comme ce conducteur n’eſt ni fort élevé, ni dans une poſition bien avantageuſe, il eſt rare que ſans le condenſateur, il donne des ſignes électriques, à moins que ce ne ſoit dans un orage ou dans une pluie extraordinairement forte.

M. le Monnier, dans ſes loix du magnétisſe parle auſſi de l’abondance & du jeu du fluide électrique au temps des aurores boréales, que l’on reconnoît avec les piques & les aiguilles électriques. M. de la Lande dit encore dans ſon aſtronomie que les aurores boréales électriſent des pointes iſolées, placées dans de grands tubes de verre.

Mais pour achever de donner le dernier degré de conviction dans cette matière, je vais décrire