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ces humaines, et acquit au plus haut point, par son profond savoir, le respect des Islamites ; dire qu’une tradition remonte au fils d’Abbas, c’est lui assurer aux yeux des Musulmans l’authenticité la plus incontestable. Lorsque la mort d’Ali livra la succession de Mahomet aux fureurs des partis, et que tous les chefs éminents purent prétendre à l’empire, Abdallah, plus que tous les autres, réunissait en sa faveur les chances d’un prompt succès. Sa haute sagesse, sa libéralité, son immense doctrine, surtout son titre de proche parent du prophète, lui assuraient de nombreux partisans ; mais Abdallah s’était dévoué à la cause des Alides : au moment même où cette cause semblait à jamais perdue, il repoussa toute pensée d’employer l’influence acquise par ses vertus pour usurper le titre de khalife qui, selon lui, ne pouvait appartenir qu’aux descendants d’Ali. Cependant, les Ommiades s’étant emparés du trône, les brillantes qualités de quelques-uns d’entre eux assurèrent pour longtemps le repos à l’empire ; la domination musulmane s’étendit sous leur règne jusqu’aux rives du Bosphore, jusqu’aux plaines de la Touraine ; ils encouragèrent les arts, la poésie chère aux Arabes, et les mécontents, effrayés par leurs succès, renoncèrent pour un temps à renverser la dynastie régnante. Mais, plus tard, les vices d’une administration corrompue, les réactions d’une sévérité qui fomentait la révolte en voulant la punir, réveillèrent des espérances longtemps déçues. Les Alides reprirent courage, et cette fois les descendants d’Abbas, loin de faire cause commune avec eux, résolurent d’exploiter à leur profit la répugnance avec laquelle les Arabes se soumettaient désormais à la domination mal acquise des Ommiades. Ce fut dans ce but qu’ils propagèrent parmi le peuple le récit d’une prétendue cession, que leur aurait faite un descendant d’Ali, de tous ses droits au khalifat. D’après eux, ce légitime héritier du titre d’Imam, empoisonné à la cour de Damas, par les ordres du khalife Soliman, serait venu mourir dans le Hedjaz, chez le petit-fils d’Abdallah, et lui aurait dit en présence de plusieurs schiites ou partisans d’Ali : « Nous avons jusqu’à présent regardé l’lmamat comme inhérent à notre famille ; mais c’est à vous qu’il appartient maintenant, à vous et à vos enfants qui viendront s’asseoir sur le trône usurpé par les enfants d’Ommiah. Marchez sur Coufah, vous y trouverez des amis dévoués à votre cause. » Quelle que fût l’authenticité de ce discours et la valeur de cette cession, depuis ce jour Mohammed-Ben-Ali, arrière-petit·fils d’Abbas, prit le titre d’Imam et se fit un grand nombre de partisans, surtout dans la province du Khoraçan, dont la population belliqueuse lui assurait de puissants auxiliaires. Mohammed ne vécut pas assez longtemps pour assurer le triomphe de sa race, et son fils Ibrahim succomba lui-même en voulant faire valoir ses droits contre Mervan, le dernier khalife de la famille des Ommiades ; mais il légua le soin de sa vengeance à son frère Abou’l-Abbas, que les cruautés qu’il exerça contre ses rivaux abattus firent surnommer plus tard Es-Saffah ou le sanguinaire. Abou’l-Abbas, appuyé par un des plus habiles généraux de cette époque, Abou-Moslem, fut proclamé khalife à Coufah, marcha contre Mervan, le battit sur le champ de bataille, le contraignit à fuir en Égypte, où il fut tué dans un dernier combat, et devint ainsi le maître de tout l’empire. C’est de la 132me année de l’hégire, pendant laquelle fut déployé pour la première fois l’étendard noir des Abbassides, que l’on doit compter l’avénement de cette longue suite de khalifes, qui, pendant plus de cinq cents ans, gouvernèrent un État aussi vaste que l’empire romain. Trente-sept princes de la même famille se succédèrent sur le trône et portèrent la civilisation de l’Orient au plus haut point qu’elle ait jamais atteint. Abou-Djafar-el-Mançour, fondateur de Baghdad, Haroun-el-Reschid que les conteurs arabes prennent si souvent pour le héros de leurs brillantes improvisations, Almamoun, son fils, avaient appelé à leur cour les poëtes, les savants, les artistes. Par leurs ordres s’élevaient ces élégantes mosquées, ces palais arabes dont les frêles colonnettes et les ogives dentelées ont orné, depuis les croisades, nos vieilles cathédrales. On traduisait les auteurs grecs, on ajustait l’ancienne civilisation romaine aux mœurs de l’Orient, et la cour de Charlemagne s’étonnait à la vue des présents envoyés à son souverain par le khalife de Baghdad. Après avoir ainsi jeté le plus brillant éclat sur le moyen âge, la dynastie des Abbassides s’affaiblit peu à peu en force, en richesse, en puissance ; et, lorsqu’au treizième siècle de notre ère, Holagou, le cinquième emperenr des Mongols, partit du Turkestan pour conquérir à son tour le monde oriental, le dernier prince de la maison d’Abbas lui offrit à peine une résistance sérieuse et tomba sous ses coups, entraînant dans sa chute l’empire des Arabes.

Noel Desvergers.

ABBAYE. — ABBÉ, — ABBESSE. (Histoire et architecture.) Le mot Abbaye, en latin Abbatia, sert à désigner un monastère dont les religieux ou les religieuses sont gouvernés par un abbé ou par une abbesse ; il se prend aussi pour le bénéfice ou les revenus dont jouit l’abbé ou l’abbesse ; enfin il s’applique encore à l’ensemble des bâtiments destinés au logement et au service des religieux dirigés par l’abbé et de l’abbé lui·même.