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L’AMI FRITZ.

Sa première pensée fut que Sûzel était agréable en sa personne ; il se mit à la contempler en lui-même, croyant entendre sa voix et voir son sourire.

Il se rappela l’enfant pauvre de Wildland, et s’applaudit de l’avoir secourue, à cause de sa ressemblance avec la fille de l’anabaptiste ; il se rappela aussi le chant de Sûzel au milieu des faneuses et des faucheurs ; et cette voix douce, qui s’élevait comme un soupir dans la nuit, lui sembla celle d’un ange du ciel.

Tout ce qui s’était accompli depuis le premier jour du printemps, lui revint en mémoire comme un rêve : il revit Sûzel paraître au milieu de ses amis Hâan, Schoultz, David et Iôsef, simple et modeste, les yeux baissés, pour embellir la dernière heure du festin ; il la revit à la ferme, avec sa petite jupe de laine bleue, lavant le linge de la famille, et, plus tard, assise auprès de lui, toute timide et tremblante, tandis qu’il chantait, et que le clavecin accompagnait d’un ton nasillard le vieil air :

« Rosette,
« Si bien faite,
« Donne-moi ton cœur, ou je vas mourir ! »

Et songeant à ces choses avec attendrissement, son plus grand désir était de revoir Sûzel.