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Alors, viendra le jour où les hommes, vivant dans cette société nouvelle, parleront de tous les beaux exploits nationalistes de notre époque, — antisémites ou autres — comme d’une des pages les plus sombres de l’histoire humaine. Ils parleront de même que nous, hommes du xxe siècle, nous parlons des exploits, pas moins beaux, des empereurs farouches des temps de la décadence de Rome. — Voline.


ANTITHÈSE n. f. (du grec antithésis, opposition). On entend par antithèse, une figure de rhétorique par laquelle, dans une même période, on oppose des pensées, des mots, etc… Ex. : L’Autorité est d’autant plus arrogante qu’elle s’exerce sur les plus humbles. On entend aussi par antithèse une proposition qui forme le second terme d’une antinomie dont le premier est la thèse. Lorsque nous nous trouvons par exemple en face des thèses bourgeoises et que nous leur opposons point par point notre doctrine anarchiste, nous construisons une antithèse. Enfin, le mot antithèse sert à désigner toute espèce d’opposition frappante : Ex. : L’esprit anarchiste est l’antithèse de l’esprit autoritaire. Dans l’écrit et dans le discours, l’antithèse est une force dont on ne saurait trop signaler l’importance. Plus que tout autre moyen de dialectique, elle s’impose par une extraordinaire puissance d’évocation et de démonstration. Lorsque l’on veut frapper l’esprit d’auditeurs ou de lecteurs, rien ne vaut l’antithèse. Dire, par exemple : « Dans notre Société, les uns ont tout, les autres rien ; Les uns crèvent d’indigestion, les autres meurent de faim, etc… », n’est-ce pas s’exprimer plus vigoureusement que par un long discours ? Ces contrastes, que l’antithèse souligne, sont les points de départ d’une commotion qui, par la suite, par le jeu naturel de la réflexion, engendre chez le méditatif, une mentalité nouvelle. Nous ne saurions donc trop recommander aux propagandistes et, plus spécialement, aux agitateurs anarchistes, l’emploi fréquent de l’antithèse. — Une pensée ou une expression qui tient de l’antithèse est dite antithétique.

Georges Vidal.


APOLOGIE n. f. (du grec : apologia.) L’apologie est un discours, un article, etc… dont le but est de justifier ou de défendre quelqu’un ou quelque chose. Ex. : Un agitateur fait l’apologie de la révolution. Lorsqu’un militant anarchiste, poursuivi pour sa propagande par la justice bourgeoise, expose ses idées et les revendique devant les tribunaux, il fait l’apologie de l’anarchisme. Lorsqu’un militant anarchiste, par la plume ou par la parole, prend la défense d’un camarade emprisonné et vante les actions de ce camarade, il fait une apologie. C’est ainsi que, chaque année, de nombreux militants sont condamnés pour avoir pris publiquement la défense de camarades victimes de la répression bourgeoise. Celui qui fait une apologie est un apologiste.


APOLOGUE n. m. (du grec : apo, sur et logos, discours). L’apologue est une fable, c’est-à-dire un récit allégorique, dont la fiction sert à voiler une moralité. Les fables de La Fontaine, que tout le monde connaît, sont des apologues. Il existe des apologues qui sont un véritable enseignement pour l’enfant et pour l’homme, mais il en existe peu. Car l’apologue, qui est une excellente arme de persuasion insidieuse, a été beaucoup trop employé par les castes dirigeantes, au mieux de leurs intérêts. Les éducateurs savent, en effet, la puissance de ces récits fictifs sur les cerveaux impressionnables des enfants. Par un usage savant de l’apologue, on peut facilement susciter chez l’enfant une admiration tenace pour certains gestes et certaines idées en même temps qu’une hostilité ou un

dégoût non moins tenace pour les gestes et les idées que l’on veut discréditer. Les morales bourgeoises ont toujours fait grand cas de l’apologue et ont toujours su s’en servir méthodiquement. Les origines de l’apologue remontent aux temps les plus éloignés. La tradition attribue la paternité des fables dites indiennes à des auteurs légendaires tels que Pilpay et Lokman ; elles remontent à un original sanscrit : Le Pantchatantra (les cinq livres), œuvre de Vichnou Sarma. Chez les Grecs, on peut considérer Hésiode (viiie siècle avant J.-C.) comme un des premiers fabulistes — peut-être même le premier (Hésiode est l’auteur de la fable : L’Épervier et le Rossignol). Viennent ensuite les célèbres fables d’Ésope, esclave phrygien du vie siècle avant J.-C, qui, rédigées en prose, furent traduites en vers iambiques par Babrios (iiie ou iie siècle avant J.-C.). Chez les Latins, le fabuliste le plus connu est Phèdre, qui se borne à reprendre et à remanier les fables d’Ésope. Ce dernier devient très populaire, grâce aux diverses traductions et adaptations latines : au Moyen-Âge on appelle Ysopets les recueils de fables. Après les fables de Marie de France (xiie siècle), nous arrivons à la Renaissance, où Clément Marot et Mathurin Régnier furent les véritables précurseurs de La Fontaine. Sur ce dernier, qui est considéré comme le maître du genre, nous n’insisterons pas. Citons après lui : Perrault, Senecé, Florian, etc… À ce moment la fable tend à devenir une forme de l’épigramme (notamment celles d’Arnault, Lachambeaudie, etc…). À l’étranger, citons les principaux fabulistes : Angleterre : Gay, Johnson, Moore ; Allemagne : Lessing, Gellert, Hagedorn, Pfeffel ; Hollande : Jacob, Katz ; Espagne : Ruyz de Hita, Yriarte, Samaniego ; Italie : Pignotti ; Russie : Krilov. (Voir le mot « Fable » ).


APOSTASIE n. f. (du grec apostasia, abandon). Anciennement le mot apostasie ne s’employait guère que pour désigner l’abandon d’une religion en faveur d’une autre : Ex. : L’apostasie de l’empereur Julien. Mais le mot n’a pas tardé à avoir une acception plus large et à désigner également l’abandon d’un parti ou d’une doctrine sociale. Ex. : L’apostasie du politicien Alexandre Millerand, en France ; L’apostasie du politicien Mussolini, en Italie ; L’apostasie du politicien Vandervelde, en Belgique ; du politicien Branting, en Suède, du crapuleux, de l’infect Gustave Hervé, en France, etc… L’apostasie, en matière de politique, peut avoir parfois pour cause des mobiles d’ordre intellectuel ou sentimental. Mais c’est là un cas très rare. Partisans de l’absolue liberté de pensée et d’action pour chacun, nous ne pouvons que déplorer le peu d’esprit de suite et de persévérance des compagnons qui se retirent de la lutte après avoir milité ouvertement. Mais nous ne pouvons les condamner, s’ils ont la pudeur de disparaître de la scène sociale et de ne pas aggraver leur désertion d’une trahison. D’ailleurs, il se peut que la lutte ait épuisé l’énergie ou les forces intellectuelles d’un homme : dans ce cas, sa retraite nous inspire des regrets, mais sollicite toute notre indulgence. Toutefois, comme nous l’avons dit, le cas d’une apostasie propre est très rare. Généralement l’apostat est un politicien qui estime qu’en passant dans un autre camp, il aura plus de profits qu’en restant dans le camp où il se trouve. À la base d’une apostasie, on retrouve presque régulièrement ces deux mobiles : l’argent et les honneurs. C’est pour cela que lorsqu’un parti ou un groupement social est pauvre, on peut compter ses militants. Mais dès que le parti devient riche, il se présente de toutes parts des politiciens désireux d’offrir leurs services. Les partis les plus riches en argent sont toujours les plus riches en