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téressent plus particulièrement ; cela change-t-il quelque chose ? Non, absolument rien. À une misère succèdent d’autres misères et aux malheureux d’autres malheureux. On est compatissant par instinct et non par raison, et on se laisse guider par ses sentiments sans se rendre compte que notre sentimentalité nous entraîne à commettre des gestes et des actes qui perpétuent un état de choses qui aurait dû disparaître depuis longtemps.


COMPÈRE. n. m. (du latin cum, avec et pater, père). Se dit d’un individu qui, d’intelligence avec un autre, le seconde pour commettre une mauvaise action ou pour tromper. Dans le langage populaire on appelle ainsi celui qui, « jouant » le client empressé, entraîne le public à acheter la marchandise présentée sur la place ou sur le marché par un camelot. Ces compères là ne sont pas dangereux, leur « tromperie » est bien inoffensive. Il n’en est pas de même des compères qui opèrent dans les rangs de la diplomatie et de la politique, et leurs arrangements déchaînent parfois des catastrophes. C’est à Poincaré, aide dans sa sinistre besogne par Iswolsky, son compère, qu’incombe une grande part de responsabilité dans la guerre de 1914. Ces deux « compères », secondés dans leur crime par un troisième filou du nom de Delcassé, ont sur la conscience la mort de millions d’innocentes victimes. « En fait de gouvernement, il faut des compères ; sans cela la pièce ne s’achèverait pas. » Napoléon Ier, l’empereur tragique devait en savoir quelque chose.

Grammaticalement « compère » fait au féminin « commère » ; mais ce mot n’est pas employé dans le même sens et a une tout autre signification.


COMPÉTENCE. n. f. Au sens juridique, la compétence est la mesure du pouvoir de juger un délit ou un crime. « Ce tribunal n’est pas « compétent » pour cette affaire », c’est-à-dire qu’il n’est pas qualifié pour entendre la cause qui lui est soumise. Au sens général, la compétence est la connaissance, le savoir qui donne à un individu le droit de traiter certaines matières. « Cet homme a une compétence remarquable en astronomie ; mais il n’est pas « compétent » pour traiter des questions sociales. »

Il y a quantité de gens qui parlent de choses et d’autres, qui traitent de sujets dont ils ignorent totalement la valeur et la portée. C’est le désir de paraître qui les fait agir ainsi. Aux yeux des ignorants, ils peuvent exercer une certaine influence pendant quelque temps ; mais leur « incompétence » éclate bien vite, et ils se dégonflent comme des baudruches lorsque l’on soumet leurs démonstrations à l’analyse. Il est donc utile d’être « compétent » en une matière quand on veut en causer sans paraître ridicule.


COMPÉTITION. n. f. Concurrence de plusieurs individus qui désirent le même objet ou qui poursuivent le même emploi ou la même charge. La compétition crée la rivalité entre individus, et cela se comprend. Lorsqu’il n’y a qu’une place à prendre et qu’il se trouve dix personnes sur les rangs pour l’obtenir, lorsque l’on aspire aux honneurs, aux dignités et que l’on constate que d’autres aussi prétendent aux mêmes avantages, on les considère comme des adversaires, et de là à employer des procédés d’une moralité douteuse pour arriver à ses fins, il n’y a qu’un pas.

La compétition est une des conséquences de l’inégalité sociale ; dans une société, où tous les individus seront libres et égaux et où les privilèges de toute sorte auront disparu, il n’y aura pas de compétition, et la haine et la jalousie, ainsi que la rivalité entre les humains, auront vécu.


COMPILATION. n. f. Action de rechercher dans les ouvrages de divers auteurs, les parties que l’on juge intéressantes à une démonstration et en former un recueil. La compilation est une science ingrate, qui fut attaquée par bon nombre de grands penseurs ou écrivains. Montesquieu, par exemple, fut loin d’être tendre pour les compilateurs ; voilà ce qu’il en pensait : « De tous les auteurs, il n’en est pas que je méprise plus que les compilateurs, qui vont de tous côtés chercher des lambeaux des ouvrages des autres, qu’ils plaquent dans les leurs comme des pièces de gazon dans un parterre ; ils ne sont point au-dessus de ces ouvriers d’imprimerie qui rangent des caractères, qui, combinés ensemble, font un livre, où ils n’ont fourni que la main. » Montesquieu est injuste, et il semblerait que le mot « plagiaire » n’existait pas de son époque.

Ne commettons pas la même erreur, et ne confondons pas le plagiaire et le compilateur ; le premier est méprisable, car il cherche à profiter personnellement du labeur d’autrui ; tandis que le compilateur est utile, puisque, modestement, il recherche ce qui peut être intéressant dans les ouvrages des autres pour en faire profiter la collectivité.

À mesure que nous avançons dans le temps, le bagage des civilisations s’augmente, et il arrivera fatalement un jour où il sera impossible à l’intelligence humaine d’englober dans son ensemble tout l’héritage du passé. Il est donc indispensable de retrancher de la bibliothèque humaine tout ce qui ne présente qu’un intérêt secondaire et de ne conserver que ce qui représente un intérêt général. C’est en cela que consiste le travail de compilation intéressante et féconde. Évidemment, il faut que la compilation se fasse consciencieusement, et que le compilateur ne s’arrête pas à des fadaises. Sans la compilation, bien des auteurs, des philosophes et des scientistes n’auraient pu ériger leurs œuvres, et c’est avec raison que Lachatre fait remarquer que Montesquieu lui-même n’aurait pu traiter de l’Esprit des Lois sans la « compilation » des vieux codes.


COMPLAISANCE. n. f. Qualité qui consiste à rendre service et à sacrifier un peu de soi même au bénéfice d’autrui. La complaisance ne doit jamais être intéressée, et il ne faut pas attendre en retour de la reconnaissance. On doit trouver dans la complaisance la satisfaction de son geste ou de son acte, et il est préférable qu’il en soit ainsi, car il est certaines personnes qui abusent de la « complaisance » d’autrui. Quoi qu’il en soit, une personne complaisante est ordinairement d’un commerce facile, et si cette vertu était un peu plus répandue nous assisterions un peu moins aux déchirements des individus.


COMPLEXITÉ. n. f. Se dit de ce qui est « complexe », en opposition à ce qui est « simple ». Un nombre complexe est un nombre composé d’unités de diverses valeur ; exemple : 8 mètres 7 décimètres 5 centimètres. Ce n’est pas seulement dans ce sens arithmétique que ce mot est employé, et l’on s’en sert couramment pour qualifier un individu, un objet ou une idée. Dans ce sens, il a une signification différente et est presque synonyme de « compliqué ». La complexité d’une idée, c’est-à-dire son état, consécutif à la combinaison d’autres idées, est une source de malentendus. Il faut, pour être comprise par tous, qu’une idée soit claire, simple et non pas complexe. On dit aussi qu’un individu a un caractère complexe, c’est-à-dire incompréhensible.


COMPLICITÉ. n. f. Action de participer à un acte commis par un autre. Au sens légal, la complicité implique la participation à un crime ou à un délit défendu, et puni par la police ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de complicité et de crimes en dehors de