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croyance en une force infinie et aveugle, inhérente à la matière et cause de tous les phénomènes qui se produisent en elle.

Le terme déisme est employé à indiquer la religiosité de ceux qui admettent l’existence d’une divinité, en lui niant toute action sur la nature et sur l’homme ; ou de ceux qui admettent la Providence divine, mais qui affirment l’indépendance de la moralité de la religion ; ou de ceux qui admettent l’idée du devoir et de la Providence divine, mais qui nient toute sanction de l’au-delà. (paradis et enfer) ; ou de ceux qui admettent toutes les vérités de la religion naturelle, mais qui repoussent le principe d’autorité et la révélation.

Cette dernière est la signification la plus répandue.


DÉLATION. n. f. La délation est l’acte le plus ignoble auquel peut se livrer un individu et il n’est pas de termes assez violents pour flétrir celui qui se prête à cette basse besogne. Elle consiste à dénoncer secrètement et à accuser de certains crimes ou délits des hommes auxquels on est, ou plutôt on semble attaché par des intérêts moraux ou matériels. Le délateur est un être sans scrupule, guidé simplement dans ses entreprises par le gain qu’il espère tirer de ses méfaits, et il est d’autant plus coupable que, pour arriver à ses fins, il est obligé de se couvrir du masque de l’amitié et de la camaraderie afin de pénétrer les secrets qu’il s’empresse de dévoiler à ceux qui l’emploient. La délation est un acte tellement odieux que même ceux qui s’en servent, ou à qui elle est utile n’osent pas en revendiquer la responsabilité et si la dénonciation secrète des « crimes contre la sûreté de l’Etat était autrefois une obligation », la loi de 1832 a abrogé les peines frappant les personnes qui se refusaient à servir d’auxiliaires à la police. Le délateur est beaucoup plus dangereux et beaucoup plus lâche que le policier. Avec ce dernier, on est fixé ; on sait que son « devoir » est de rechercher, et de dénoncer tout ce qui peut troubler l’ordre bourgeois. On ne se trompe pas sur sa valeur et l’on se méfie lorsqu’il est signalé. Le délateur, lui, pénètre le milieu qu’il veut espionner, il se fait passer pour un partisan de ce milieu, il capte la confiance de ceux qui l’entourent et avec lesquels il semble travailler en toute sincérité, et finalement trahit ses « camarades » au profit de leurs adversaires. Il n’hésite pas, pour obtenir la récompense promise, à se montrer le plus acharné et le plus sectaire dans ses relations sociales et lorsque, parfois, le besoin s’en fait sentir pour ses maîtres, il dénonce des crimes ou des complots imaginaires quand il ne peut en découvrir de réels.

On s’étonne de ce que les organisations d’avant-garde soient des foyers de délateurs. C’est cependant bien simple. Ce que la bourgeoisie craint le plus : c’est le réveil des classes opprimées et leur révolte. Elle a donc intérêt à savoir quelles sont les formes d’action que l’on prépare au sein de ces milieux, afin de tâcher de les étouffer ou d’en retarder la réalisation. Il est des besognes auxquelles la bourgeoisie n’aime pas à se livrer elle-même et, pour la délation, elle a recours à des individus vils et corrompus qui consentent à accomplir cet infâme ouvrage. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris de ce que les associations révolutionnaires soient pénétrées par les délateurs, mais ce qu’il faut : c’est prendre ses précautions, ne pas introduire n’importe qui dans les secrets d’une organisation et, avant d’entreprendre ou même de décider une action, savoir avec qui on la décide et avec qui on l’entreprend. On ne prend jamais trop de précautions dans la lutte sociale et, s’il ne faut pas être arrêté par la crainte des délateurs, il faut cependant regarder qui nous entoure et savoir choisir ses amis.

La délation est un crime tellement odieux qu’il faut bien se garder d’en accuser un individu avant d’être certain de ce que l’on avance. Il arrive que l’on porte

une accusation sur des apparences et non sur des certitudes, et les conséquences de cette accusation peuvent être graves. Méfions-nous. Lorsque certains gestes ou certains actes éveillent les soupçons, renseignons-nous d’abord et n’agissons qu’ensuite ; ce n’est qu’une fois convaincu de la réalité, qu’il faut dénoncer le délateur et lui réserver le sort qu’il mérite.


DÉLÉGATION. n. f. Acte par lequel on donne à un ou plusieurs individus l’autorité nécessaire pour représenter un autre individu ou groupe d’individus. Délégation. cantonale ; délégation judiciaire ; délégation syndicale ; délégation de pouvoirs. En matière judiciaire, un juge, peut dans l’instruction d’une affaire criminelle ou correctionnelle, se faire remplacer en donnant une délégation à un commissaire aux « délégations judiciaires » ; le maire d’une commune peut se décharger de certaines de ces fonctions et, par une délégation, transmettre une partie ou la totalité de son autorité à l’un de ses adjoints ; un parlement peut se démettre de ses pouvoirs et, par délégation, en charger le gouvernement ; une organisation syndicale donne une délégation à son secrétaire pour qu’il puisse agir au nom du syndicat. On emploie couramment le mot délégation pour désigner un groupe d’individus servant d’intermédiaires entre deux parties et qui est chargé par l’une d’elles de présenter et de défendre ses intérêts auprès de la seconde. Le terme est impropre. La délégation n’est pas le groupe d’individus, mais le mandat qu’il a reçu ; celui ou ceux qui sont nantis d’une délégation s’appellent des délégués.


DÉLÉGUÉ. adj. et nom. Qui a reçu une délégation ; un délégué syndical ; un délégué mineur ; « Les délégués furent reçus par le ministre auquel ils présentèrent la délégation dont les ouvriers les avaient investis ». Le délégué est donc une personne à laquelle on a transmis ses pouvoirs et qui agit ou qui devrait agir, non pas en son nom propre, mais en celui de ses mandants. Les intérêts des délégués doivent s’effacer devant ceux des groupes qui les ont nommés pour remplir une mission ou un travail quelconque et ils se doivent d’oublier leur propre personnalité pour ne songer qu’à l’organisation ou aux individus qui ont placé en eux leur confiance. Il n’en est malheureusement pas ainsi et il arrive fréquemment que les délégués trahissent la cause qu’ils étaient chargés de défendre. Il n’est pas utile d’insister sur le rôle joué par les délégués populaires qui siègent dans les assemblées législatives et qui oublient leurs promesses sitôt qu’ils ont franchi le seuil du Forum ; nous savons l’impuissance du parlementarisme (voir ce mot) et la sincérité des hommes qui acceptent d’être délégués dans les parlements. Mais dans la bataille quotidienne entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, dans les conflits d’ordre économique, il est presque indispensable que le prolétariat entre en contact avec les représentants du capitalisme et il le fait par l’intermédiaire de ses délégués. Il ne faut pas cacher le danger que présente une telle méthode d’action car le capital et la bourgeoisie dans leurs rapports avec les représentants de la classe ouvrière tentent l’impossible pour détacher la tête du corps et dissocier les intérêts des délégués de ceux qu’ils représentent. La corruption est une des armes les plus terribles de la bourgeoisie et il arrive souvent que les délégués ouvriers se laissent acheter et livrent le travailleur à son adversaire. Les exemples sont hélas nombreux de chefs d’organisations prolétariennes qui, tout en affirmant soutenir les intérêts des ouvriers, manœuvrent de telle façon que ces derniers sont toujours vaincus et restent les éternelles victimes dans la lutte sociale.

Il serait sage que la classe ouvrière avant de nommer des délégués à une mission quelconque, s’assurât de