savons également que la tuberculose n’étend ses ravages que dans les classes productrices qui sont contraintes de vivre dans des conditions d’hygiène détestable et qui n’ont pas leur suffisance de nourriture. Or, comment s’étonner que les classes pauvres se refusent à faire des enfants alors qu’elles savent que ces malheureux seront condamnés à mort par le capitalisme, et que s’ils échappent à la maladie, la guerre se chargera de les arracher à la vie.
Certains économistes prétendent que le bien-être économique du peuple n’est pas arrêté par l’ordre capitaliste et que bien au contraire les formes économiques et politiques modernes sont les plus susceptibles d’assurer à chacun le maximum de ce qui lui revient en raison de la production mondiale. Nous disons, nous, que si le peuple refuse de produire, de faire des enfants — et le « mal » n’ira qu’en s’accentuant, car aucune loi ne peut obliger des humains à procréer — c’est que le capitalisme, pour satisfaire ses ambitions et ses besoins, ne livre à la consommation qu’une partie de la production mondiale et que, si la répartition des vivres se faisait de façon normale et logique, nous n’assisterions pas au spectacle dégradant, pour une société, de la misère affreuse s’étalant à côté de la richesse et du superflu.
Nous allons essayer de démontrer par des chiffres que la population du monde aurait la possibilité de satisfaire tous ses besoins naturels si l’accaparement du capitalisme ne s’exerçait pas dans toutes les branches de l’activité économique.
La population de la terre, c’est-à-dire des cinq parties du monde, se chiffre par environ 1.750.000.000 (un milliard sept cent cinquante millions d’habitants) ; or, parmi cette population il en est une partie qui meurt littéralement de faim et qui est périodiquement victime des famines qui sévissent en certaines contrées. Cependant la production totale de ce qui est indispensable à la vie des hommes est supérieure à ce qu’ils pourraient consommer.
Durant la dernière décade, c’est-à-dire d’après les statistiques élaborées pour les années comprises entre 1915 et 1925, la production annuelle mondiale de céréales fut la suivante par tête d’habitant :
Blé …………… 720 kilogrammes
Avoine………… 360
Orge…………… 250
Seigle………… 250
Maïs…………… 700
Riz…………… 1.100
Pommes de terre… 800
En conséquence, si nous faisons le total, nous constaterons que chaque habitant de la terre pourrait se permettre de consommer 4.180 kilogrammes (quatre mille cent quatre-vingt kilogrammes) de céréales par année, c’est-à-dire une moyenne de 11 kilos par jour.
Il est évident que sur cette production de la terre, il faut nourrir le bétail qui se répartit comme suit :
Chevaux… 100 millions
Bœufs…… 550
Moutons…… 500
Chèvres…… 120
Porcs……… 210
Total……… 1.480 millions
Mais si l’on considère que ce cheptel, exception faite du cheval, est, à son tour, livré à la consommation, nous ne croyons pas nous tromper en affirmant comme nous le faisons plus haut que céréales ou viande, la population mondiale a la possibilité de consommer une somme de 11 kilos de nourriture par jour et par tête. Nous ferons remarquer en passant qu’à part la pomme
Le Docteur Georges Drysdale dans son étude sur « La Pauvreté », reprenant l’affirmation de Malthus que « la population, quand elle n’est pas entravée, s’accroît dans une progression géométrique telle qu’elle se double tous les vingt-cinq ans », et que les moyens de subsistance ne peuvent pas s’accroître dans les mêmes proportions, cherche à démontrer dans son ouvrage que « la population est nécessairement limitée par les moyens de subsistance » et que « c’est donc une immense erreur de supposer, comme on le fait d’habitude, que les guerres, les famines, les pestes, etc., que l’histoire nous énumère, ont surtout été provoquées par les mauvaises passions des hommes ou par l’absence d’habileté industrielle. Elles résultaient principalement des instincts sexuels, et étaient absolument inévitables, puisque ces instincts n’étaient pas contenus par la prévoyance. Il naissait plus d’enfants que le lent accroissement des moyens de subsistance ne pouvait en maintenir ; ainsi il fallait qu’ils disparussent d’une manière quelconque » (Georges Drysdale, La Pauvreté, p. 33).
Nous n’avons pas ici l’intention d’étudier le malthusianisme et le néo-malthusianisme qui seront traités plus loin (voir ces mots), mais les affirmations du Dr Drysdale nous semblent basées sur une erreur fondamentale. Les guerres ne sont nullement provoquées par la surpopulation du globe ou d’une de ses parties mais simplement par le désordre social consécutif à la mauvaise gérance d’une classe qui méconnaît ou continue sciemment à méconnaître les besoins collectifs et à les sacrifier à ses intérêts particuliers. Même en acceptant aveuglément ce principe malthusien que « la population quand elle n’est pas entravée, s’accroit dans une proportion géométrique telle qu’elle se double en vingt-cinq ans », le danger de la surpopulation n’est pas une menace immédiate, car les 140 millions de kilomètres carrés des continents peuvent être habités par une population dix fois supérieure à celle d’aujourd’hui ; ce qui ne ferait en réalité que 120 habitants par kilomètre carré et parce que la production actuelle de la terre, si elle était bien répartie, suffirait presque à nourrir cette population. Notons en passant que, par kilomètre carré, la population de la France est de 71 ; celle de l’Allemagne de 128 ; celle de la Belgique de 245 ; celle du Royaume-Uni de 188 ; celle de l’Italie de 124 ; celle du Japon de 187. Le capitalisme qui a entre les mains les rênes de l’économie mondiale, s’inquiète peu de l’avenir et ne cherche pas à savoir, lorsqu’il agit, si son action sera favorable ou désavantageuse aux générations futures. Il travaille en raison de ses aspirations immédiates et cela est tellement vrai que loin d’être inquiété par le problème de la surpopulation dans l’avenir, il s’inquiète de la dépopulation dans le présent.