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sur son favori pour défendre, dans une Assemblée quelconque, ses intérêts.

Nous savons que, lors des élections, il faut pour être élu, obtenir une certaine majorité ; or, il est des candidats qui, après le premier tour de scrutin et d’après le nombre de voix recueillies perdent tout espoir de décrocher un mandat ; cependant en maintenant leur candidature pour le deuxième tour de scrutin (scrutin de ballotage), ils peuvent gêner profondément un ou plusieurs de leurs adversaires. C’est là que commence l’ignoble manœuvre du désistement où les intérêts économiques, politiques ou sociaux des mandants n’entrent même pas en jeu, mais où s’échafaudent les combinaisons qui permettront au « candidat malheureux « de ne rien perdre dans l’affaire.

Il faut agir avec mesure et doigté, mais les politiciens sont maîtres en la matière, et l’électeur est si docile et si confiant qu’il accepte le désistement de son candidat sans même se rendre compte de l’ignominie et de la bassesse de l’action.

Il est, pensons-nous, inutile de signaler l’insolence qui caractérise la prose électorale : les affiches qui colorent les murs sont couvertes d’insultes ; on étale aux yeux du public, les vices, les tares, les travers de l’adversaire que l’on combat, et c’est un échange entre candidats de diverses couleurs, d’un lot d’injures, d’offenses et d’outrages. Tout cela avant le premier tour du scrutin naturellement. Le socialiste a combattu avec véhémence son adversaire radical, il l’a traîné dans la boue, il l’a accusé de tous les crimes, de tous les malheurs qui pèsent sur l’humanité, il a fouillé au plus profond de sa vie privée et publique, il a découvert toutes ses trahisons et a affirmé que son élection serait un désastre pour le pays. Le radical n’a pas été moins farouche, moins violent, et a usé à l’égard du socialiste des mêmes termes, puisés dans le même vocabulaire électoral. Et le vote a lieu. Il y a ballotage.

Le socialiste a perdu toutes ses chances. Il ne sera pas élu ; même s’il maintient sa candidature, il sera battu. Va-t-il purement et simplement abandonner la lutte et assister, en simple spectateur, à la bataille qui se continue supposons, entre le radical et le conservateur ? Ce serait mal connaître la cuisine électorale et prêter une certaine sincérité au politicien. Non. Le socialiste va se désister en faveur de ce fêlé, de ce vendu, de ce traître, de ce radical, qu’il a traîné dans la boue et qu’il a déshabillé de façon si désobligeante. Oh !, mystère des coulisses électorales ! Après ce premier tour de scrutin, quelle transformation dans le langage, dans le style de notre socialiste ! Certes le radical, est toujours un radical, ce n’est pas un socialiste, oh non ! « Mais pourtant, il faut barrer la route à la réaction, il ne faut pas permettre au conservateur de gravir les marches du pouvoir, et comme, entre deux maux il faut choisir le moindre, vous voterez, mes chers électeurs, pour ce radical, qui, après tout, n’est pas si noir qu’on le présentait et qui a un programme de réformes sociales quelque peu semblable au nôtre ». Et le peuple applaudit, et il s’empresse, le dimanche suivant, autour des urnes pour y jeter le morceau de papier « radical », qui lui est remis par son candidat socialiste, et la pièce est jouée, populo n’a rien vu.

Derrière le rideau, toutes les tractations se sont opérées. L’électeur a été vendu, comme il l’a été cent fois, comme il le sera encore mille fois. Son candidat ne s’est pas désisté par conviction, en vertu d’une idée, d’un principe, mais pour rentrer dans les frais que lui avait, à lui ou à son parti, occasionnés sa candidature. Il a vendu ses électeurs mais c’est lui qui a touché la forte somme, et le peuple souverain est heureux, content et fier d’avoir rempli son devoir, c’est-à-dire d’avoir servi de tremplin ou de marchandise à des fantoches et à des crapules.

Que de fois a-t-on cherché à initier le peuple aux dessous de la politique ; que de fois lui a-t-on dit qu’il était un moyen, un outil entre les mains d’ambitieux habiles et sans scrupules, que de fois l’écho de scandales électoraux est arrivé jusqu’à ses oreilles ! Mais il ne veut rien voir, il ne veut rien entendre et il continue, malgré tout, à servir de jouet aux aventuriers politiques qui ne se cachent même plus pour accomplir leur basse besogne.

En réalité s’il est quelqu’un qui se désiste, qui abandonne toute sa force et toute sa puissance, qui renonce à tout ce qu’il aurait le droit d’exiger et d’avoir, qui se livre pieds et poings liés aux puissants de la terre : c’est le peuple ignorant et inconscient, livré à l’esclavage politique et économique et dont la bêtise et la lâcheté est telle, qu’il se désiste parfois de sa vie au profit de ses bourreaux. Et combien de temps cela durera-t-il encore ?


DÉSOBÉISSANCE. n. f. Refus d’obéir, enfreindre un commandement. « Désobéir à ses chefs ; désobéir à ses parents ». « La désobéissance est chez les enfants un grave défaut » déclare la morale bourgeoise, et en effet il paraîtrait surprenant qu’il en fût autrement, si l’on considère que toute la morale bourgeoise est basée sur les droits de l’Autorité et la nécessité de l’obéissance. C’est sans doute en vertu du vieux principe religieux : « Honore ton père et ta mère » que, de nos jours encore, on persiste à déclarer que la désobéissance des enfants aux parents est un acte répréhensible qui doit être châtié, et pourtant la désobéissance des enfants est le plus souvent déterminée par l’incompréhension et provoquée par les parents eux-mêmes.

Donner un ordre à un petit enfant est utile, car ce dernier est parfois incapable de se conduire lui-même et a besoin, pour s’orienter, d’être appuyé et soutenu par les conseils de ses parents ; mais faut-il encore que les parents soient des êtres raisonnables et logiques et que leur autorité ne se manifeste pas fréquemment d’une manière arbitraire et ridicule.

L’enfant est un petit être neuf, qui veut savoir, connaître, s’intéresse à toute chose, remarque les moindres détails, et qui, à chaque instant, cherche à pénétrer le mystère de ce qui l’entoure : c’est un petit animal instinctif qui fonce tête baissée à la découverte de la vie et qui agit avec toute la fougue et l’impétuosité que lui communique la jeunesse. Il n’est donc pas absolument inutile de réfréner en lui l’instinct qui peut lui faire commettre des gestes, des mouvements, des actes dangereux pour lui-même ; mais il faut le faire intelligemment, avec perspicacité et mesure, si l’on veut en être compris et, en conséquence, écouté.

Malheureusement, ce n’est que rarement que l’on agit ainsi avec un enfant. On a le grand tort de le croira inaccessible à la raison et l’on se refuse à discuter avec lui. On a trop peu souvent l’habitude de répondre à ses questions et on juge inutile de l’initier aux causes de l’ordre qu’on lui donne et c’est pourquoi tant d’enfants désobéissent.

Tu ne dois pas faire ceci ; tu ne dois pas faire cela ; tu ne dois pas aller ici, etc., etc. C’est dix fois par jour, à chaque instant que l’enfant entend ces mots sans que l’on daigne « s’abaisser » à lui donner la moindre explication. Il doit exécuter l’ordre qu’on lui intime, et c’est tout ce qu’on lui demande : « l’enfant doit être obéissant et ne pas chercher à approfondir ». Raisonnement ridicule qui caractérise particulièrement la médiocrité de la morale bourgeoise, car l’enfant veut savoir quand même, et pour atteindre son but, il désobéit. On le corrige, mais cela ne change rien du tout, un enfant ne reculant pas devant une correction où une punition quelconque, lorsqu’il veut satisfaire une fantaisie ou un caprice. Il semble donc que le cerveau