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détours. Près du lion (vraiment beau de puissance…) il a réprouvé jusqu’aux us de la force. Sa pitié s’est tournée vers l’agneau désarmé. En regardant les fils du laboureur, il a reconnu ― le trésor sans doute en vaut la peine ! ― l’utilité du travail, sinon ses joies… Et, « le naturel revenu au galop », il a menti, l’instant d’après, par instinctive lâcheté, lorsque les reproches menaçaient sa paresse, ou par bravade, ou pour paraître… Au jeu, la ruse a tressé son succès. Un plus faible a, sous son poing, découvert « la raison la meilleure », et désiré des muscles. Les « vertus » et les « vices » dont il fut tout à l’heure, à la mesure du récit, le témoin ébranlé ; l’injonction fausse, arbitraire, à califourchon sur cet « autrement » d’idéal qu’est la morale inobservée : imprécises fumées, gênantes apparitions. Des lèvres et par quelques gestes il fera sien, puisqu’on y tient tant, ce classement des actes que tout le monde accepte et dérisionne, que la multitude piétine… Et il en sera, lui aussi, vite allégé dans la réalité moqueuse de son être. L’oubli sera prompt et commode ; la vie vole à son aide. Il en emportera cependant ― c’est l’usage ― le fantôme et les rites, promènera comme un trophée obligatoire ce fictieux carnaval et, ainsi que ses pareils et que les hommes, ne sera vrai… que par delà l’écran de la moralité !

De la fable, avant tout, l’enfant reçoit ― et garde ― des images, de la couleur et du mouvement ; un cadre à sa hauteur, des animaux vivants. Son cerveau trie son bien, le concret, nous laisse nos sermons, nous renvoie le mirage. Vous qui me lisez, des bribes de nos fables au bord de vos mémoires, interrogez-vous. Persiste-t-il, dans vos souvenirs et sous vos pas, beaucoup de leur morale ?… Les gaies lucioles dansant dans le cimetière du passé que les contes menus de la fable ; régal inoublié des heures appesanties de nos primes études, le seul peut-être à portée proche de nos âmes, entr’ouvertes d’hier sur la vie. Tant de fadaises et de sornettes, suant la tactique et l’ennui, d’arrangements pompeux barbouillés d’expérience que nous avons ― ô le soupir à vif de nos jeunesses délivrées ! ― jeté par-dessus bord aux portes des écoles… alors que chantent encore, au léger appel vers l’antan, et si fraîches, et toutes mêlées de nos innocences, les vieilles fables du Bonhomme…

Quittant l’art et la pédagogie, dirons-nous pour conclure que la fable, évadée parfois de ses lisières, ou malgré elles, a racheté souvent les méfaits d’une morale tracassière par les réactions spontanées de sa nature ? D’Ésope et de Phèdre à La Fontaine et à Lachambeaudie, la fable apparaît, à travers son enchaînement séculaire, comme le sursaut intermittent de la pensée assujettie. Enfant terrible de la littérature, elle emporte sous son aile un plein carquois de flèches pénétrantes. Par des chemins tout égayés d’allégorie, avec des carrefours peuplés de similitudes naïves qui désarment, elles croisent le maître : l’ennemi ; ses traits habiles touchent ce mal dont saignent tous les temps : la tyrannie. Plus loin que ses dehors plaisantins ou mignards, plus haut que sa moralité confuse et périssable, accompagnons sa cheminée tenace. Nous sentons que cette bohème aux ris enfantins mène souvent, à fleur de joie, un de nos combats les plus chers. Et pour cela aussi, avec les jouissances multiples répandues, et la richesse d’un trésor que, bambins devenus hommes, nous n’avons pu épuiser, la fable est chère aux esprits libres, et aimée reste sa voix familière. ― Stephen Mac Say.

FABLE n. f. (du latin fabula, de fabulari, conter). Signifie, tout d’abord, étymologiquement : parole, récit, conversation.

Ce mot est employé en Mythologie où il signifie : 1° Système mythologique du paganisme de la Grèce et de Rome (ex. : les dieux de la Fable ; être savant dans la fable) ; 2° toute fiction se rattachant à un système mythologique quelconque (ex. : la fable de la naissance de Vénus, la fable de Psyché, etc… ; on dit aussi : les fables indiennes, les fables scandinaves, et ainsi de suite).

Dans la littérature, fable signifie surtout un court récit allégorique, en prose ou en vers, qui cache une sentence morale, philosophique, sociale, politique ou autre sous le voile d’une fiction naïve et ingénieuse où, d’ordinaire, les animaux sont les personnages, et dont le style doit être simple, familier, naturel, gracieux.

De même que le conte, la fable fut une des formes les plus anciennes et primitives de la création populaire. Les vieux recueils d’apologues tels que le Patchatantra (voir Apologue) ou autres, la Bible, les vieilles fables orientales, grecques, etc., sont des créations anonymes, collectives, commencées par quelques-uns, continuées ou modifiées par d’autres, achevées par d’autres encore, malgré qu’elles soient attribuées plus tard à tel ou tel autre auteur légendaire.

À l’époque postérieure, certains écrivains, dans presque tous les pays, surent composer, avec un talent remarquable, des œuvres merveilleuses du genre fable. C’est le fabuliste français La Fontaine qui en fut le plus puissant.

Il est à regretter que la majorité écrasante des fables, même celles dues à la plume des maîtres, n’offrent que des sentences banales, mesquines, n’ayant rien de commun avec les grands et graves problèmes qui passionnent l’humanité. La fable est un genre de littérature à part. Quelqu’un a dit du jeu des échecs : c’est trop sérieux pour pouvoir amuser ; c’est trop léger pour pouvoir être pris au sérieux. On pourrait qualifier la fable d’une façon analogue : c’est trop sérieux pour être traité à la légère ; c’est trop léger pour être pris au sérieux.

C’est en partie pour cette raison que, de nos jours, ce genre de création littéraire est tombé en désuétude. Incontestablement, il a vécu et ne présente plus qu’un intérêt historique. Les meilleures fables des anciens maîtres conservent, néanmoins, un grand charme, grâce à leurs beautés poétiques et leur esprit. C’est à ce point de vue plutôt qu’à celui d’éducation morale que l’étude des meilleures fables a une certaine utilité dans l’enseignement.

Autres significations de la fable :


1° Récit sans vraisemblance, ou sans vérité, par opposition à l’histoire ;

2° Aventure fausse, divulguée dans le public et dont on ignore l’origine ;

3° Conte, récit mensonger ;

4° Tout récit imaginaire ;

5° Sujet, canevas d’une œuvre littéraire. Ex. : la fable d’un roman, d’un drame ;

6° On emploie aussi le mot fable dans le sens de sujet de conversation et de risée. Ex. : être la fable du quartier ; se rendre la fable de la ville, de tout le monde.


FAÇADE n. f. (du latin facies, visage). La façade est la partie extérieure d’un édifice. Lorsque cet édifice a plusieurs façades on ajoute à ce mot un déterminatif et l’on dit : façade postérieure, façade latérale, etc., etc. Une belle façade, une riche façade, une façade décorative. Il est des façades qui sont de véritables chefs-d’œuvre d’architecture où se trouvent combinés le génie manuel et intellectuel. À Paris les façades du Louvre,