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de la prostitution… un bon et honnête père de famille devant se faire un cas de conscience de répudier sa fille quand elle s’est « déshonorée », en se donnant hors du mariage, librement, sans calcul, au « premier venu » qui a su lui plaire.

La polygamie et la monogamie sont toutes les deux des chaînes forgées par le régime de la propriété, et nullement conformes à la nature humaine. La première, privilège des hommes riches, n’a jamais existé qu’à l’état d’exception malfaisante, et cela pour la bonne raison qu’il naît sur terre environ autant d’individus d’un sexe que de l’autre. La seconde est aussi tyrannique pour l’homme que pour la femme, le désir inavoué mais général de la plupart des êtres humains étant pour que les rapports sexuels, fondés sur l’amour ou la sympathie mutuelle, puissent être aussi libres, variables et multiples que les rapports intellectuels ou moraux entre les individus. L’incompatibilité absolue de la monogamie avec la physiologie résulte, du reste, de ce seul fait, que la plupart des adolescents aiment des femmes plus âgées qu’eux, que les hommes de vingt à trente ans convolent avec des femmes de leur âge et qu’après quarante ans, les hommes recherchent les jeunes filles.

Par surcroît de malheur dans notre société d’antagonisme économique et d’hypocrisie sexuelle, la prostitution est une nécessité de fer, parce que soupape de sûreté de la famille et de sa responsabilité artificielle.

Le prolétariat d’amour est aussi indispensable à la sécurité de l’honnêteté bourgeoise que la misère de l’ouvrier à l’opulence du capitaliste.

Le mariage n’est pas une solution.

D’essence indissoluble, il est une association qui engage non seulement les intérêts matériels, mais encore les personnes mêmes des associés, et devient souvent ainsi la plus odieuse des prostitutions, la prostitution patentée par l’État et bénie par l’Église.

Irrésiliable à la seule volonté d’un des contractants, le mariage est purement et simplement un esclavage.

Il est le pire des esclavages, car il dispose de l’avenir après avoir enchaîné le présent et projeté son ombre funeste jusque sur ce qu’il y a de plus beau et de plus grand : les unions librement amoureuses.

L’institution du mariage est aussi nuisible à l’intérêt des parents qu’à celui des enfants.

En violant les lois de la sélection naturelle, elle attente à la liberté et à la dignité de l’homme et de la femme. En faisant de la paternité conventionnelle, au lieu de la maternité certaine, le pivot du groupe affectif, elle crée, artificiellement, trois catégories d’enfants, inégaux en droits, selon qu’ils naissent légitimes, naturels ou adultérins.

Seuls les enfants légitimes héritent de leur père et jouissent, comme tels, de tous les avantages que leur famille peut leur procurer.

La situation des enfants illégitimes, c’est-à-dire des enfants nés d’un homme et d’une femme non mariés entre eux et non mariés en dehors, se règle d’après celle de leur mère, et est généralement déplorable.

Le père d’un enfant naturel n’est pas tenu par la loi de pourvoir à ses besoins, à moins d’une recherche de paternité hérissée d’obstacles. S’il reconnaît ses enfants naturels et à condition qu’ils ne soient en concurrence avec aucun enfant légitime, les enfants dits « naturels » ont les mêmes droits que les enfants légitimes. Dans le cas contraire, ils n’ont plus droit qu’à la moitié de ce qu’ils auraient eu s’ils étaient légitimes. Sous l’Empire, ils n’avaient droit qu’au tiers.

Cette criante injustice qui frappe les enfants naturels n’est nullement accidentelle. L’infériorité sociale que le Code leur assigne est étroitement liée au maintien du mariage. En disqualifiant les enfants nés en dehors du mariage, la société a voulu garantir l’existence de

cette institution néfaste. Le châtiment qu’elle inflige aux enfants issus de l’union libre est par conséquent une mauvaise action voulue, un crime social prémédité.

Quant aux enfants adultérins, la situation qui leur est faite par le mariage, se retourne, dans sa souveraine injustice, aussi bien contre l’enfant que contre le mari.

Que le mari soit en état de prouver ‒ ce qui ne saurait être qu’extrêmement rare ‒ que l’enfant de son épouse n’est pas de lui, la loi lui donne le droit de ne pas le reconnaître. Dans ce cas, il est, sans doute, dispensé de l’obligation de subvenir aux besoins de l’enfant de sa femme légitime, mais l’enfant qui ne devrait pas être rendu responsable des actions de sa mère, est un paria. Si, au contraire, le mari reconnaît l’enfant adultérin de sa femme, l’injustice ne frappe plus l’enfant, mais le mari.

Pour sortir de ce labyrinthe d’iniquités et réaliser l’égalité de l’homme et de la femme, ainsi que l’égalité de tous les enfants, il n’y a qu’un moyen : Socialiser l’Éducation et faire de la mère le pivot de la famille, ou mieux du groupe affectif.

La famille décline. Le nombre des unions libres et des enfants naturels augmente, et nous constatons que partout la société et la famille sont dans des rapports inverses, et que cette dernière est appelée à diminuer en raison de la marche ascendante de l’humanité.

Les enfants étant élevés par et pour la famille, c’est le passé qui empiète sur l’avenir et lui dicte la loi.

Les familles n’ont, en outre généralement, ni les loisirs ni les capacités pour être de bonnes éducatrices, elles sont, relativement aux enfants, des groupements passagers, tandis que la société, elle, est éternelle et peut trouver dans son sein des femmes et des hommes de vocation et d’aptitudes nécessaires pour l’éducation rationnelle.

En attendant que la société communiste libertaire (mise en commun de toutes les richesses sociales et organisation de la production sur la base de l’équivalence des travaux) ait intégralement émancipé la femme, libéré l’homme et sauvegardé l’enfance, nous demandons :

1° L’abrogation de tous les articles du Code établissant l’infériorité de la femme vis-à-vis de l’homme. Abolition de cet esclavage dégradant : la police des mœurs ;

2° La mise à la charge de la société de l’éducation et de l’instruction de tous les enfants ;

3° L’égalité absolue pour tous les enfants, quelle qu’en soit la provenance ;

4° La suppression totale du consentement des parents pour se marier, ainsi que l’abaissement, pour les deux sexes, de la majorité à dix-huit ans ;

5° L’assimilation de l’union libre au mariage ;

6° Le divorce par consentement mutuel et sur la volonté d’un seul. ‒ Frédéric Stackelberg.


FAMINE n. f. (du latin fames, faim). Manque absolu de nourriture dans une contrée, un pays ou une ville. « La cause la plus générale de la famine, dit le Larousse, est l’insuffisance de récoltes alimentaires. » Explication simpliste et complètement fausse de ce fléau qui, de nos jours encore, décime des populations entières.

La famine a pour causes directes ou la raréfaction des produits alimentaires provoquée par la spéculation de quelques affameurs, ou encore la mauvaise et arbitraire organisation économique du régime capitaliste en ce qui concerne la répartition de la richesse sociale et des produits de consommation indispensables à la vie de l’homme. La misère, qui est une des conséquences du capitalisme, est également une des causes de famine.