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FOY
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les milieux bourgeois sont bien plus corrompus, hypocrites, obséquieux, lâches, cupides et méchants que les milieux populaires. Je n’hésite pas à déclarer que les masses ouvrières sont, le plus souvent, supérieures en intelligence, en activité, en courage, en solidarité, en désintéressement, à ceux qui les mènent et en ont le dédain, le mépris ou la haine.

Moi, j’aime la foule parce que je sais qu’elle est la grande persécutée, l’éternelle victime. Je l’aime, parce que je sais qu’elle recèle, à son insu, d’incalculables trésors de bonté, de dévouement et d’héroïsme. Je l’aime, parce que je sais qu’un jour viendra où cette éternelle victime se révoltera et puisera dans son héroïsme et sa vaillance la force de terrasser ses bourreaux. Je l’aime, parce que je sais que, si je fais, pour l’affranchir, tout ce qu’il m’est possible de faire, c’est elle qui, bientôt, je l’espère, en s’émancipant elle-même, me libérera. — Sébastien Faure.


FOYER n. m. (du latin focus). Le foyer est le lieu, l’endroit de la pièce où l’on fait le feu. Le feu lui-même. Allumer un foyer. Éteindre un foyer. Le foyer de la cheminée. Le foyer du fourneau. Par extension on donne le nom de foyer à la maison, la demeure, le domicile, l’endroit où l’on réside, le lieu où se trouve réunie la famille, ou encore à la famille elle-même. Se créer un foyer ; aimer son foyer ; être attaché à son foyer. « Que d’idées antiques et touchantes s’attachent à notre seul mot de foyer », dit Chateaubriand. C’est en effet au foyer familial qu’après une rude journée de labeur, le travailleur trouve un peu de bonheur ; c’est là qu’il se repose des fatigues et des misères de la vie, et c’est là aussi qu’il rencontre la sympathie, l’amitié et l’amour de la compagne et des enfants. L’homme n’est pas un animal solitaire, il a besoin de s’accoupler, de s’associer matériellement et sentimentalement à des êtres qui lui sont chers. Il a besoin d’une compagne, il a besoin d’un foyer. C’est au foyer qu’il partage ses joies et ses souffrances, ses espérances et ses déboires, ses désirs et ses aspirations. C’est au sein de la famille, du foyer qu’il panse les plaies douloureuses de son cœur et qu’il puise le courage nécessaire à poursuivre la lutte contre toutes les forces mauvaises qui écrasent l’opprimé. Quelle misère pour l’individu qui n’a pas de foyer et vit isolé, détaché de toute attache familiale ! A l’aube de la vie, l’homme jeune peut dans une certaine mesure se passer du foyer. Le besoin d’activité, de mouvement, le désir de savoir et de connaître l’entraîne parfois hors de la maison ; mais un âge arrive où l’homme a déjà parcouru la plus grande partie de sa route et alors il est heureux de trouver un asile pour reposer sa tête et ses membres las. Certains absolutistes prétendent que le foyer familial est une entrave à la liberté. C’est une profonde erreur. Certes, les anarchistes ne sont pas sans ignorer que bien souvent le militant est déchiré entre son foyer et la lutte pour l’émancipation. Mais la cause en est l’exploitation féroce que subit la classe productrice et, si la division règne au foyer, toute la cause en incombe encore à la bourgeoisie. L’anarchiste ne conçoit pas la famille et le foyer tels que les conçoivent les ignorants imbus de préjugés et de croyances ; il a une conception particulière et libre de la vie familiale, et s’il ne peut pas toujours mettre ses principes en application, c’est que la société ne permet pas la libre évolution de l’individu. Tout se tient dans la société, qui imprime son autorité sur les moindres actes, sur les moindres gestes de la vie des hommes, et si le foyer prolétarien retentit parfois de disputes, c’est que la misère y pénètre et que l’on n’y trouve pas toujours du pain dans le buffet et du bois dans l’âtre. Sans crainte de se tromper, on peut dire que la plupart des discordes qui divisent les familles ouvrières sont d’ordre économique et puisent

leurs sources dans la misère qui étreint les malheureux. Un foyer où il y a, non pas l’abondance, mais l’aisance, est un foyer heureux, car le foyer prolétarien n’est pas encore corrompu comme l’est celui de la bourgeoisie, et n’est pas constitué à la suite d’un marchandage honteux entre deux parties qui s’unissent. Mais, hélas ! bien souvent, trop souvent, quand le chômage ou la maladie pénètrent dans le foyer et que les économies péniblement amassées sont englouties, lorsqu’au bien-être fait place une situation désespérée, alors tout se détache, tout se brise et le foyer est détruit. Dans une société bien organisée, d’où aura disparu l’inégalité économique, où chacun pourra travailler et consommer librement, les foyers n’offriront plus le spectacle de la désunion. Ce sera l’association d’êtres animés l’un pour l’autre de sentiments réciproques et pouvant librement se donner sans crainte de voir leur union brisée par de mesquines questions d’ordre matériel.

On donne également le nom de foyer à certaines maisons où les miséreux viennent chercher un asile. Ce sont généralement des œuvres créées et soutenues par des œuvres philanthropiques, mais on sait trop que la philanthropie est une action inopérante en raison même du nombre de misères qu’il faudrait soulager en régime capitaliste. D’autre part, aucune liberté n’est tolérée au sein de ces « foyers » et il faut se soumettre, lorsque l’on y est admis, aux règlements souvent arbitraires qui régissent ces maisons. En Angleterre et en Amérique où « l’Armée du Salut » exerce une influence considérable, cette organisation protestante a créé pour les sans-familles des refuges auxquels on a donné le nom de « foyers ». Quelques-uns de ces « foyers » ont également été établis en France par la même organisation. En vérité, l’Armée du Salut est une entreprise commerciale et ses foyers ne sont en réalité que des casernes qui ne rappellent en rien la demeure familiale. Ce sont des hôtels d’un prix un peu plus modique que les autres.

On emploie encore le mot foyer comme synonyme de centre actif, de siège principal : un foyer de révolte ; un foyer d’épidémie. Au théâtre, on appelle foyer l’endroit où se réunissent les auteurs, les acteurs et où sont également admis quelques privilégiés. Le foyer du théâtre ; le foyer de la danse.


FRACTION n. f. (du latin fractio, rupture). Portion. Partie. La fraction est une partie d’un tout. Le centime est une fraction du franc. « Les individus, dit Lachâtre, sont des fractions souffrantes de l’humanité ». C’est justement parce que le peuple est divisé en fractions que le capitalisme qui l’exploite se permet tous les abus. Ce travail de fractionnement de la classe ouvrière est l’œuvre de la politique. C’est elle qui a divisé le prolétariat, c’est elle qui l’a fractionné afin de mieux s’en servir pour des fins inavouables. Aujourd’hui la classe ouvrière est brisée. Une fraction est organisée en France au sein de la C.G.T. (Confédération générale du Travail), une autre fraction adhère à la C.G.T.U. (Confédération générale du Travail Unitaire), et enfin une fraction adversaire de toute politique socialiste ou communiste a formé la C.G.T.S.R. (Confédération générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire). Mais la plus large fraction des travailleurs français reste inorganisée. Alors que le capitalisme, en raison même du développement économique, se centralise de plus en plus, il est pénible de constater que les classes laborieuses continuent à se déchirer au lieu de faire bloc contre l’ennemi commun. Tant que la classe ouvrière sera divisée en fractions, la bourgeoisie aura encore de beaux jours à vivre, car ce n’est que dans l’union que les travailleurs trouveront la force de vaincre.


FRANCHISE n. f. (de franc). Sincérité, loyauté. Parler avec franchise. « La franchise est une sincérité